Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuits il n’a pu dormir, ce qui lui a permis de constater que, dans le couloir qui va d’un bout à l’autre dans l’appartement au-dessus, on marche nuit et jour sans s’arrêter un seul instant. Ce logement est occupé par trois Anglaises. Mon maître en conclut qu’elles ont dû faire un vœu devant quelque sainte de la belle Albion, et, que selon ce vœu, une d’elles doit toujours marcher. Nous avons fait bien attention pendant plusieurs jours, mais on ne put jamais les prendre en défaut, jamais elles ne s’arrêtèrent, elles devaient être des descendantes du Juif errant.


Fin janvier. — M. de Maupassant a fini son roman, il est maintenant tout à ces dames pour les promener en bateau. Il les emmène un jour déjeuner dans une auberge de la rade d’Agay. Je ne suis pas de cette partie, mais quelques jours après, Monsieur me dit : « François, vous viendrez à bord cette après-midi pour servir le thé, car Bernard est souvent pris par la manœuvre. »

Il y avait beaucoup de monde et je ne parus sur le pont que pour le service qui m’était dévolu, c’est-à-dire pour servir le thé, les gâteaux et aussi le modeste verre d’eau sucrée. Vers le soir, je mis tout de même ma tête à la trappe qui servait de porte à la cuisine, car il me semblait qu’on tardait bien à rentrer, et qu’on allait se trouver sans brise pour le retour. À peine étais-je là, dans la position d’un homme guillotiné, puisque j’étais engagé jusqu’au cou dans cette espèce de lunette, que je reçus en pleine figure une vague qui me frappa la tête sur le rebord de la trappe.

En même temps, j’entendis des cris qui partaient du pont ; cette forte vague avait couvert le bateau, inondant toutes ces dames. Les toilettes, qui avaient coûté des prix