Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/194

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placé en face de lui M. Zola et à sa droite son ami M. Pessard. La conversation fut des plus banales, touchant à peine à la littérature. Les noms de quelques confrères furent prononcés, sans s’y arrêter. On causait à bâtons rompus ; ce n’était qu’arrêts et reprises, sans suite, malgré les efforts de M. Pessard qui cherchait à exciter l’intérêt.

À chaque instant, pareils à deux chats qui s’épient, les deux grands romanciers se jetaient un coup d’œil, puis vite baissaient les yeux sur leur assiette, comme si vraiment ce qu’elle contenait les eût intéressés beaucoup. Ce n’était pas du tout le genre de mon maître, lui toujours si franc et si jovial. Enfin, la glace ne se rompit pas.

Aussitôt après le déjeuner, M. Zola partit faire sa promenade habituelle à Cheverchemont, et mon maître alla visiter les champignonnières de Temple et de Vaux avec son ami M. Pessard. À 4 heures, je servis le thé de Monsieur ; il était étendu sur sa chaise longue ; il se releva brusquement, et sans me regarder se mit à donner ses impressions :

« Ce Zola, je le considère comme un grand écrivain, une valeur littéraire considérable ! »

Puis, me regardant, il ajouta d’un ton amer et répulsif : « Lui… personnellement, je ne l’aime pas !… »

Un moment après, il vint me chercher pour ramasser les petites branches qu’il avait coupées dans les massifs en bordure du chemin d’entrée conduisant à une belle pelouse. Il me disait : « Vous voyez, François, que c’est bien mieux ainsi ? » Je répondis : « Oui, certes, mais le petit sentier qui conduit au puits aurait bien besoin de pareille opération. » Il y vint et coupa beaucoup de pousses, même des branches. Il travaillait de