Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bord, le long du bastingage, accroupi, dans la position d’une grenouille qui se dispose à sauter à l’eau. Il écoute et inspecte de la main un pataras qui grince, faisant un bruit très désagréable. On dirait une roue mal graissée. Enfin tous ces petits inconvénients s’arrangent et le grand « oiseau blanc » vole maintenant à tire-d’ailes vers son nid. Nous revenons vers Saint-Raphaël ; le soleil n’a pas complètement disparu derrière la chaîne des monts des Maures. Mon maître regarde la vallée de l’Argens et fait les réflexions suivantes : « Comme c’est impressionnant, cette vallée, surtout au moment où le crépuscule s’empare d’elle et lorsque flottent les brumes de chaleur ! Elle évoque bien des souvenirs. Ces marais, devenus aujourd’hui des potagers, furent autrefois un port romain. Les croisés partirent souvent de là, et après les guerres d’Italie, d’Orient, etc., les rois de France, à différentes reprises, vinrent s’y réfugier avec leurs escadres. Il y aurait quelque chose de beau à faire avec tous les souvenirs de cette vieille cité de Fréjus, mais je ne peux pas tout entreprendre. Ma tête actuellement représente un chantier rempli de matériaux pour plusieurs années de travail. »

Il ajouta : « C’est ici, dans ce joli cadre, que Gounod composa Roméo et Juliette. »

À notre arrivée dans le port, Bernard donne l’ordre de mouiller. Raymond exécute la manœuvre avec une promptitude et une régularité admirables, et le Bel-Ami, avec une souplesse extraordinaire, tourne sur lui-même et va placer son arrière à deux mètres du quai, pas plus près, pas plus loin, juste à la distance de la longueur de la planche.


Le 20 août, mon maître est allé à Maison Close, saluer