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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/287

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nous y sommes installés, la chambre de mon maître est au Midi, la salle à manger à l’Ouest ; c’est très bien et, dès la première nuit, Monsieur a eu un meilleur repos.

Après quinze jours d’un calme parfait dans cette proprette demeure, mon maître paraît avoir recouvré sa belle humeur et sa santé d’autrefois.

Un matin son médecin est venu déjeuner avec lui ; ils ont eu une conversation très animée et très gaie. Je dois dire que ce docteur, à ses qualités professionnelles, joignait un bel esprit et une philosophie d’à-propos parfaite qui plaisait beaucoup à mon maître. Il avait sur lui l’autorité de l’homme de science ; à côté de cela, on voyait le bien que faisait son traitement. Les bonnes douches de cette eau glacée, qui descend des monts de France ; cette retraite sur ce coin de terre isolé, comme perdu dans cette chaîne immense de montagnes, au bord du lac Léman ; le bon air qui arrive de tous côtés des sommets ; des aliments de premier choix, tout semble réuni à souhait pour refaire le fameux canotier de Sartrouville. En effet, il engraisse, son teint est superbe, il dort ses nuits presque entières ; c’est à peine s’il m’appelle une fois ou deux.

Mon maître fait de temps à autre une promenade à tricycle. Avant-hier, il est allé au château de Voltaire à Ferney ; aujourd’hui, il va à Prégny chez la baronne de R…, et il me donne la liberté de l’après-midi en me disant que si cette dame le retient, il restera à dîner.

Je m’en allai me promener sur la route de Gex. Mais, malgré la chance qui semblait nous sourire, puisque M. de Maupassant regagnait sa belle santé, et tout le bonheur que m’avaient promis les trèfles symboliques, j’avais une appréhension, je ne m’éloignais pas trop. Je rentrai à la maison vers 4 heures et demie ; mon maître