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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/69

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société vers le large. Quand il avait toute sa voilure bien gonflée, il ne se présentait pas mal, il coupait bien de l’avant, mais sa couleur noire n’était pas heureuse, bien qu’elle fût rehaussée d’un cercle jaune qui lui faisait une ceinture d’or. Sa forme plate ne plut jamais à mon maître.

Notre séjour dans le cap touchait à son terme. Finies, ces belles soirées où j’allais errer par les chemins qui courent comme des rubans blancs à travers des plaines couvertes de serpolet et de thym parfumés, formant sous les rayons de la lune un tapis brillant. Les grands troncs des oliviers jetaient sur la route des ombres fantastiques, souvent emmêlées par le double jeu de la lune et du feu du phare planté là, tout au bout de cette pointe de terre, nommée la Garoupe.

Un soir, mon maître arrive un peu en retard pour le dîner. Tout de suite il se met à raconter qu’il vient de louer un chalet se composant de deux corps de bâtiment, l’un au Sud, l’autre au Nord, « de sorte, disait-il, que cette maison peut être habitée pendant toutes les saisons ; Madame s’y installera tout à fait et nous, nous pourrons venir à n’importe quel moment. C’est très beau, il y a une vue splendide ; la propriété touche à la route d’Antibes à Cannes ; la petite montagne où elle est située s’appelle la Badine ».

Nous restons encore quelques jours à Antibes, pour permettre à M. Gervex de finir le portrait de mon maître. Puis, nous partons pour Paris.


Paris, 4 mars, rue Montchanin. — Il fait froid, le temps n’est pas beau ; le calorifère est allumé, l’appartement est bien chauffé. Monsieur prend son bain de rentrée et Piroli, assise à côté de la lampe juive, sur le petit meuble