Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/97

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toujours mal dans le ventre. Faites-moi, je vous prie, de la chicorée à la crème. »

Le soir, la lampe baissée, avec un peigne très fin en écaille, qu’il avait rapporté d’Italie, il peignait la fourrure de ses chattes à contre-sens et dans l’obscurité il s’amusait à en faire jaillir des lueurs phosphorescentes.

Quelques jours se passèrent ainsi, mon maître n’allait pas mieux ; il faisait tout de même des promenades dans l’île et allait voir ses bateaux. Puis, de fortes coliques et des douleurs intestinales aiguës se déclarèrent, tous les remèdes ordinairement employés dans ces cas restèrent sans résultat. Il se décida alors à prendre quinze gouttes de perchlorure de fer tous les quarts d’heure dans un peu d’eau, tout en continuant les cataplasmes de farine de lin laudanisés, et cela réussit à enrayer le mal.

À la suite de cette indisposition, il alla voir un médecin à Paris, mais il ne revint pas satisfait, se plaignant du peu de connaissances de ces messieurs de la Faculté.

Un matin, Monsieur, revenant de chez Fournaise, passa devant la cuisine et me pria d’aller lui donner sa douche. Je remarquai qu’il marchait nerveusement en serrant les poings ; je compris de suite qu’il devait être contrarié. Sa toilette dura moins longtemps que d’habitude et, une fois à table, il me dit : « Savez-vous, François, ce qui m’arrive ! Un richissime Américain me fait offrir un yacht à vapeur, très beau, paraît-il. Mais il se trompe à mon égard, et il a dû être immédiatement fixé par mon refus catégorique. J’ai été poli vis-à-vis de son envoyé, mais aussi que pouvait penser ce milliardaire en m’adressant une telle proposition ? Rêvait-il ou avait-il bu ?  »


Fin juin. — Monsieur sent qu’il ne se remet pas ; il se décide à partir pour Étretat.