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LA LIBERTÉ.

Et déjà, descendu de ces sommets déserts,
Puissant, mystérieux, il plane dans les airs ;
À toute heure, en secret, du peuple qu’on opprime
Un pouvoir inconnu ranimant la fierté,
Dit au cœur assez fort pour ce fardeau sublime :
Liberté ! liberté !
 
Orgueilleux Gouverneur, quelle terreur te presse ?
Pourquoi fermer sur toi la sombre forteresse ?
Ah ! de la liberté dénonçant les efforts,
Un traître l’aurait-il livrée à tes trésors ?
Non, mais à ton effroi tu sens qu’elle s’éveille ;
Tu lis partout son nom d’un œil épouvanté ;
Partout un Dieu vengeur répète à ton oreille :
Liberté ! liberté !

Elle eût dormi longtemps sans cette voix cruelle
Qui tourna vers un fils la flèche paternelle !
Mais les yeux des tyrans d’un bandeau sont couverts ;
En croyant les river, ils ont brisé vos fers,
Enfants de l’Helvétie ; achevez leur ouvrage :
Déjà, livrant Gessler à l’abîme irrité,
La vengeance de Tell crie au sein de l’orage :
Liberté ! liberté !

Liberté, c’est ton jour ; ce sol est ton empire :
Là, nulle ambition sous tes traits ne conspire ;
D’un peuple pauvre et fier toi seule armes les mains.
Sur ces pics sourcilleux, vierges de pas humains,
L’aigle au vol indompté semble te rendre hommage,
Le bleu miroir des lacs réfléchir ta beauté,
Et le bruit des torrents, dire à l’écho sauvage :
Liberté ! liberté !

Héritier de ces biens, toi qui les abandonnes,
Et soutiens à prix d’or les lointaines couronnes,