Page:Tastu - Poésies complètes - 1858.djvu/31

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Quoi ! c’est à vous, Français, que ces trames unies,
De nos salons jadis honteusement bannies,
Offrent leurs plis épais et leurs sombres couleurs !
Naguère vos habits semblaient un champ de fleurs ;
Où donc est de vos goûts la frivole inconstance ?
Ne reverrez-vous plus la mobile élégance
Des satins qui long-temps souverains en ce lieu,
Vinrent parer Lauzun en quittant Richelieu ?
Sans doute leur splendeur, à la cour exilée,
De l’oubli plébéien doit s’être consolée,
Loin de ce drap fâcheux qui, fixant tous les choix,
Éclipse la fortune et le rang à la fois.

Mais je parle, et déjà la voûte industrieuse
Reçoit à flots pressés la foule curieuse.
L’élégance est séduite, et le goût enchanté
Lui montre la couleur propice à la beauté.
La mode et le désir, magiciens habiles,
Ont fait glisser son or entre ses doigts faciles ;
Sa prodigalité n’aigrit point mon esprit,
A ce caprice utile un cœur français sourit ;
Il sait que de cet or, versé par l’opulence,
Une part va du moins consoler l’indigence.
Le malheureux s’avance et demande ; il obtient,
Et bénit en secret la main qui le soutient.
Et toi qui du besoin pressens l’horrible empire,
Pauvre assez pour souffrir, pas assez pour le dire,
Viens sans crainte. Au milieu du luxe industrieux,
Dont l’éclat un instant peut réjouir tes yeux,
Un humble aliment s’offre à ton humble fortune,
Et défend qu’en ces lieux ton aspect importune.
Toi, source de nos biens, peuple laborieux,
Qu’appellent des métiers les fils ingénieux,
Ne crains plus que du pain, à tes jours nécessaire,
Le prix puisse jamais surpasser ton Salaire ;
Par un art prévoyant vois ces blés préservés ;
Le sol qui les produit te les a conservés :