Aller au contenu

Page:Tastu - Poésies nouvelles, 3ème édition, 1838.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
LA PASSION.

Vainement notre voix supplie,
Soit qu’on l’ait ou non accepté,
Il faut boire jusqu’à la lie,
Car telle est votre volonté ;
Mais laissez-nous la solitude ;
Ne rendez pas la multitude
Témoin de tant de pleurs versés,
Ou si quelque traître la guide,
Sauvez-nous du baiser perfide !…
C’est assez, mon Dieu, c’est assez !

Paix ! fils de l’homme, voici l’heure
Où, vendu pour quelques deniers,
Pas un ami ne te demeure :
Les plus chers ont fui les premiers !
Quand ceux qui nous aiment trahissent,
Que feront ceux qui nous haïssent ?
Des cris de mort qu’ils ont poussés
Le juge se fait le complice !…
L’abandon, l’oubli, l’injustice !…
C’est assez, mon Dieu, c’est assez !

Devant moi s’ils courbent la tête,
Leur feint respect est un affront ;
De la couronne qu’ils m’ont faite
L’épine ensanglante mon front ;
Mon sceptre est un sceptre illusoire,
C’est une pourpre dérisoire
Qui couvre mes membres blessés ;
Que cette royale ironie,