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À M. F. GUIZOT.


Heureuse, je le sais, une chaste pensée
Qui n’eut dans sa beauté qu’un juge et qu’un témoin ;
Qui ne sent point rougir, sur la scène poussée,
Sa fière pudeur, offensée
Des bravos dont elle a besoin.

Heureuse aussi l’épouse, alors que dans la lice
Le nom cher à son cœur peut briller tout entier !
Plus grand est le péril, plus haute est la justice :
C’est la rouille, et non le service,
Qui ternit l’éclair de l’acier.

Heureuse encor la mère ! après la peur secrète,
Ce mal de tout amour qu’on a peine à bannir !
Ses enfans l’auront vue, en ses vœux satisfaite,
Reporter de leur blonde tête
Un œil serein sur l’avenir.

Heureuse la chrétienne à la voix généreuse,
Plaidant tout haut pour ceux qui se plaignent tout bas,
Cherchant l’asile où gît la pauvreté peureuse ;
La charité la guide : heureuse
Qui l’exerce et ne l’attend pas !

Mais plus heureuse l’âme à tous nos maux ravie !
Qui meurt jeune et pleurée est morte au champ d’honneur.
Quel cœur instruit du monde, hélas ! ne porte envie,
À qui voit la fin de sa vie
Avant la fin de son bonheur !