Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/221

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« Je recommençai les évocations, et je vins me placer dans un cercle que j’avais tracé d’avance entre l’autel et le trépied. Je vis alors s’éclaircir peu à peu le fond du miroir qui était en face de moi, derrière l’autel, et une forme blanchâtre s’y dessina, grandissant et semblant s’approcher peu à peu.

« J’appelai trois fois Apollonius en fermant les yeux ; et, lorsque je les rouvris, un homme était devant moi, enveloppé tout entier d’une sorte de linceul, qui me sembla être gris plutôt que blanc ; sa figure était maigre, triste et sans barbe ; ce qui ne se rapportait pas précisément à l’idée que je me faisais d’Apollonius.

« J’éprouvai une sensation de froid extraordinaire, et, lorsque j’ouvris la bouche pour interpeller le fantôme, il me fut impossible d’articuler un son. Je mis alors la main sur le signe du pentagramme, et je dirigeai vers lui la pointe de l’épée, en lui commandant mentalement, par ce signe, de ne point m’épouvanter et de m’obéir.

« Alors, la forme devint plus confuse, et il disparut tout à coup.

« Je lui commandai de revenir. Alors, je sentis passer près de moi comme un souffle, et, quelque chose m’ayant touché la main qui tenait l’épée, j’eus immédiatement le bras engourdi jusqu’à l’épaule. Je crus comprendre que cette épée offensait l’esprit, et je la plantai par la pointe dans le cercle auprès de moi.

« La figure humaine reparut aussitôt ; mais je sentis un si grand affaiblissement dans mes membres et une si prompte défaillance s’emparer de moi, que je fis deux pas pour m’asseoir. Dès que je fus assis, je tombai dans un assoupissement profond et accompagné de rêves, dont il ne me resta, quand je revins à moi, qu’un souvenir confus et vague. J’eus pendant plusieurs jours le bras engourdi et douloureux.

« La figure ne m’avait point parlé ; mais il me sembla que les questions que j’avais à lui faire s’étaient résolues d’elles-mêmes dans mon esprit.

« À celle de la dame, une voix intérieure répondait en moi : Mort (il s’agissait d’un homme dont elle voulait savoir des nouvelles).

« Quant à moi, je voulais savoir si le rapprochement et le pardon seraient possibles entre deux personnes auxquelles je pensais, et le même écho intérieur répondait impitoyablement : Mortes !

« Je raconte ici les faits tels qu’ils se sont passés, je ne les impose à la foi de personne.

« L’effet de cette expérience sur moi fut quelque chose d’inexplicable. Je n’étais plus le même homme, quelque chose d’un autre monde avait passé en moi ; je n’étais plus ni gai ni triste, mais j’éprouvais un singulier attrait pour la mort, sans être cependant aucunement tenté de recourir au suicide.

« J’analysai soigneusement ce que j’avais éprouvé ; et malgré une répugnance nerveuse très vivement sentie, je réitérai deux fois, à quelques jours seulement de distance, la même épreuve. Le récit des phénomènes qui se