Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/253

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Un provençal, nommé Charles Méret, admis dans la confidence, trahit ses complices et dénonça la trame au grand-duc et au cardinal de Médicis. L’affaire s’instruisit avec le plus grand secret par l’Inquisition. L’embarrassant était de pouvoir se saisir du corps du délit, c’est-à-dire des livres et instruments magiques. Méret fit savoir que le consul de… avait loué deux chambres au haut d’une certaine tour qu’il indiqua, où devait s’opérer l’abominable sacrifice. Suivant les lois magiques, il fallait que la scène se passât dans un lieu percé à l’orient et à l’occident, qui n’eût aucune vue du côté de Notre-Dame de Lorette, et qu’il n’y eût dans ce lieu aucune image du Seigneur ni de la Vierge. La tragédie devait s’exécuter la nuit du samedi au dimanche suivant. À l’heure indiquée, l’inquisiteur, conduit par Méret, précédé du barigelle, et suivi des sbires de Livourne, entra dans la tour et saisit le prêtre. Il était déjà revêtu de l’aube, il feuilletait le grimoire avec la baguette magique, et n’attendait que le retour de Méret pour percer les figures. On trouva dans la chambre une boîte de sapin sur le dessus de laquelle était écrit : À M. Et… consul de… Cette boîte renfermait les deux figures, couronnées et le sceptre à la main, avec des cheveux à la tête, circonstance nécessaire, disent les magiciens, à cette maudite opération. L’inquisiteur se saisit de toutes ces pièces, ainsi que des livres. On trouva parmi les papiers du prêtre deux suppliques écrites de la main du malheureux et signées de son sang. Il y traitait le démon de « Sacrée Majesté » et se donnait pour toujours à lui, à condition qu’il aurait avec lui un génie assistant, assez puissant pour l’aider à défendre et attaquer qui bon lui semblerait.

Confronté à Méret, ce misérable convint des faits déposés par celui-ci, et déclara que par les ordres du consul de… il devait fondre peu à peu et par quinze degrés différents, ces deux figures couronnées, et que par le moyen de son art les deux princes qu’elles représentaient devaient périr de langueur. Il avoua même que son dessein était de prolonger cette langueur jusqu’à six mois ; mais que le consul l’avait obligé, le poignard sur la gorge, de lui promettre de faire mourir ces princes en quinze jours, qui est le terme le plus prompt que son art lui permettait. Le mauvais prêtre avait coupé de ses propres cheveux derrière l’oreille gauche et les avait appliqués sur la tête des figures, avec des boîtes sacrées, de l’eau bénite, et les avait enveloppés de toiles chargées de caractères et de croix. Ces cheveux furent reconnus par le prêtre, et l’on vit encore la place où il les avait coupés.

Un fait des plus singuliers est celui que l’on dit être arrivé en Bohême dans la guerre du duc Wladislas contre le duc de Bohême Grémozislas. Une vieille sorcière dit à son beau-fils que son maître Wladislas mourrait dans la bataille avec la plus grande partie de son armée, et que, pour lui, s’il voulait se sauver du carnage, il n’avait qu’à tuer le premier qu’il rencontrerait dans la