Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/264

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qu’un dans mon livre, ce serait au docteur Johannès, car il entreprend ainsi que lui les cures des personnes chez lesquelles il croit reconnaître des traces d’envoûtements ou de maléfices ; comme lui encore, il déclare qu’il est missionné pour prêcher l’avenue du Paraclet. J’ai beaucoup fréquenté cet ancien abbé, et j’ai même passé, à Lyon, près d’un mois chez lui. Eh bien ! je puis l’affirmer, personne ne méprise et n’exècre plus que ce prêtre le satanisme. La vérité, c’est qu’il est un mystique singulièrement érudit et l’un des plus sagaces des thaumaturges. »

On le voit, voilà bien affirmé le système auquel je faisais allusion tout à l’heure : « la magie blanche n’est pas du satanisme ! » Nous retrouverons toujours et partout cette déclaration de la part de n’importe quel occultiste le plus sûrement luciférien, même sous la plume de Sophie Walder (voir sa 2e lettre à M. l’abbé Mustel, reproduite en entier dans l’ouvrage de M. A.-C. De la Rive, la Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie Universelle). C’est, de la part de ces adversaires du catholicisme, un parti-pris de changer le sens des mots ; et il y a des gens naïfs qui s’y laissent prendre. Ainsi, le fameux prêtre apostat Louis-Alphonse Constant, maçon parfait initié, Chevalier Kadosch en sachant aussi long que les 33es sans l’anneau, osait écrire : « Le dogme qui est ma règle est essentiellement catholique. » Pour le comprendre, il fallait savoir qu’il prenait ce mot dans son sens de traduction littérale : catholikos, universel. Son dogme diabolique était universel, voulait-il dire ; les initiés seuls ne s’y méprenaient pas.

C’est certainement parce qu’il ignore les doubles-sens des occultistes, que M. Magnard a laissé passer dans le Figaro l’article de M. Auquier. S’il l’avait soumis à un de nos religieux qui savent à quoi s’en tenir sur ces ruses de style, celui-ci lui aurait dit : « Gardez-vous bien d’insérer ces lignes ; elles font l’éloge d’un prêtre du démon ! »

L’ex-abbé Boullan n’était rien autre, en effet.

Pour ne pas être « la messe noire », que son ami Huysmans a décrite, « sa messe rouge » était tout aussi bien une messe sacrilège et diabolique. À l’époque où il portait la soutane, il s’adonnait déjà à des pratiques impies de ce genre ; et si l’archevêché de Paris le frappa d’interdiction, ce ne fut pas sans des raisons extrêmement graves. Au lieu de combattre le démon en se conformant au rituel de l’Église, dans l’exorcisme des malheureuses religieuses possédées, il procéda à la manière des magiciens. « Ses pratiques, a dit l’Éclair, ne peuvent honnêtement se décrire ; on raconte que les infortunées avaient été tenues de prêter les mystérieuses blancheurs de leur épiderme à des souillures scatologiques. » Il était impossible, certes, de conserver dans la bergerie un pareil loup, qui n’y avait pénétré que sous le déguisement de l’agneau ; à une meilleure époque, il eût été justement traité comme un autre Urbain Grandier.