Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/283

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Voilà un aveu significatif.


« Arrivons, continue M. Jean Jullien, à la pièce ésotérique de M. Jules Bois, les Noces de Sathan.

« Comme il est assez difficile de représenter matériellement « l’atmosphère seconde du monde astral », le décor est censé simuler le flanc d’une montagne entre terre et ciel, avec grotte réservée aux apparitions. Une femme drapée de blanc, coiffée à l’égyptienne, debout à droite de la scène, prend la parole au nom d’Hermès. « Ce qu’Osiris me révéla, dit-elle en substance, pour être caché aux profanes, le Christ commande aujourd’hui qu’on l’explique avec des symboles. »

« Un homme en maillot noir et manteau noir s’avance : c’est Sathan. Il symbolise les révoltes de l’esprit humain, les désirs et l’orgueil de l’homme, le mal. Il nous explique qu’il souffre de ne pouvoir faire tout le mal qu’il souhaite ; les démons et les hommes ne comprennent plus

« Qu’il faut aimer le Mal comme on aime la Mort. »

« Paraît Psyché ; elle symbolise les élans du cœur, la faiblesse et la puissance de la femme, la médiatrice.

« Psyché est aimante et pure ; quelle belle proie pour Sathan ! Elle parle de rédemption ; il résiste.

« Elle ne désespère pas cependant de le sauver. Comme nous ne sommes en aucun temps, en aucun lieu, Psyché fait entendre à Sathan les élohims célébrant le pur amour divin, puis, elle lui montre Adam, Ève, Caïn, Méphistophélès, Faust, stigmatisant l’amour des hommes ; elle évoque les succubes, incubes, démons stercoraires à l’amour immonde ; elle fait même apparaître Hélène pour lui prouver la vanité de l’amour intellectuel. Après ce défilé des différentes amours, elle le persuade que le seul vrai bien est l’amour mystique où le cœur palpite dans le déchainement de l’esprit, AMOUR QUI FERA DE LUI LE MESSIE FUTUR.

« Sathan, vaincu par Psyché, s’écrie :

« Le miracle de ta caresse
« A transfiguré mon tourment.
« Moi qui croyais, par ta faiblesse,
« Couronner le mal triomphant,
« Je sens le bien et son ivresse
« Ensorceler mon front tremblant ;
« Et me voici tout chancelant,
« Comme un enfant qu’un baiser blesse. »

« Et les élohims répandent les lis rouges sur les fronts des mystiques époux.

« Eh bien ! on avait raison, à Eleusis, de ne représenter ces mystères que devant les initiés ; pour les profanes, ils sont bien difficilement compréhensibles. N’eût-il pas mieux valu représenter les Noces de Sathan dans une salle absolument obscure et silencieuse, avec de vagues apparitions lumineuses en des glaces disposées sur la scène et rien que des voix ?

« Quoiqu’il en soit, l’œuvre, bien qu’abstraite, curieusement rimée, reste intéressante. Quoique l’idée de Satan régénéré ne soit pas nouvelle, c’est là une tentative vraiment originale et artistique. »