Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/298

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magique ; pour cela, on n’a qu’à racler l’ongle du pouce droit ou gauche d’un enfant, le frotter d’huile, y mettre du noir de fumée, en prononçant une oraison qui commence ainsi : « Uriel, premier séraphin, etc.» — On prête aussi aux ongles mêlés à un breuvage la vertu d’empoisonner ou d’enivrer : les raclures d’ongle guérissent aussi la fièvre, absorbées dans un verre d’eau, disent encore les sorciers.

14° Charmes par simples paroles. — Un juif nommé Zambarès fit, en prononçant quelques mots, tomber raide mort un taureau aux pieds de saint Sylvestre, du temps de Constantin. Le père Nyder, dominicain, raconte qu’une sorcière, d’un seul mot, fit tourner sens dessus dessous le menton à sa voisine. Aujourd’hui encore, certains versets, prononcés par les sorciers ou sorcières, empêchent de faire le beurre. — On n’a qu’à dire : Gaber siloc fandu, pour empêcher de mourir un poulet auquel on aura percé la tête d’un couteau ; et : Malaton malatas dinor, pour empêcher un ennemi de tirer droit avec une arme à feu quelconque.

15° Charmes opérés par le souffle. — Les sorciers tuent et endommagent à l’aide de leur souffle et haleine. Ils font avorter par un simple souffle les femmes enceintes. Dans le fameux procès de sorcellerie intenté à Gaufridy, se trouve relaté l’aveu suivant de l’accusé : « J’avoue que le diable me promit que par la vertu de mon souffle je rendrais désireuses de moi toutes les filles et femmes dont j’aurais envie, pourvu que ce souffle leur arrivât aux narines, et dès lors je commençai à souffler toutes celles qui me plaisaient… La mère de Madeleine (une de ses victimes) la tenait de si près, que ce fut cause que je soufflai sur sa mère pour qu’elle me l’amenât. »

Je citerai, quand j’en serai à l’articlé Sort, un exemple qui ne laisse rien à désirer sur la vertu magique du souffle chez les sorciers. On rencontre dans plusieurs procès l’ensorcellement par le souffle. Claudine Gaillard, dite la Fribotte, souffla contre Claudine Perrier qu’elle rencontra à l’église d’Ébouchoux. Cette dernière devint aussitôt impotente et mourut de langueur au bout d’un an. Sprenger, au diocèse de Constance, condamna une sorcière qui avait rendu un homme ladre, en lui soufflant dessus.

16° Charmes pour sortir de prison. — Le lendemain du jour où l’on est mis en prison, on avale à jeun, toujours d’après les aveux des sorciers, une croûte de pain, sur laquelle on a écrit : Senozam, Gogoza, Gober, Dom ; puis, on dort sur le côté droit : on est sûr de sortir de prison avant trois jours. — Un assassin, François Gaillard de Longchamois, détenu prisonnier à Saint-Claude en l’an 1600, reçut de Claudine Coirières, prisonnière en même temps pour sortilège, une graisse dont elle lui frotta les mains : aussitôt, il fut enlevé en l’air et passa, sans être nullement blessé, à travers les barreaux d’une fenêtre, et fut transporté ainsi bien loin de la prison par un démon invisible.