Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/30

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allongées dont on fait remonter l’origine aux mages de l’Égypte ou aux cycles primitifs de l’Inde. Il se compose de 22 clefs magiques figuratives des 22 arcanes ou secrets de la Doctrine absolue, pour employer le jargon des occultistes, et de quatre quatorzaines de cartes marquées chacune à l’un des signes ou lettres du divin Tétragramme. Ces signes sont : le Bâton (Iod) principe mâle, devenu le Trèfle de nos jeux de cartes vulgaires ; la Coupe (Hé), principe féminin, la potentialité du mal (Cœur) ; l’Épée (vaf ou vau), l’union lingamique des deux principes combinés (Pique); enfin le Sicle ou Denier (Hé), fruit de cette union, fécondité de la nature dans le monde sensible (Carreau). Chaque quatorzaine est constituée par le dénaire de Pythagore et un quaternaire de figures emblématiques représentant l’application du Grand Nom à chacun des dénaires : le Roi, la Reine, le Cavalier et le Valet. Les clefs magiques des 22 arcanes correspondant aux lettres hébraïques, représentent : le Bateleur (Aleph), la Papesse (Beth), l’Impératrice (Ghimel), l’Empereur (Daleth), le Pape (Hé), l’Amoureux (Vau), le Chariot (Zain), la Justice (Heth), l’Hermite (Teth), la Roue de Fortune (Iod), la Force (Caph), le Pendu (Lamed), la Mort (Mem), la Tempérance (Noun), le Diable (Samech), la Maison-Dieu (Gnaïn), l’Étoile (Phé), la Lune (Tsadé), le Soleil (Coph), le Jugement (Resh), le Mat ou le Fou (Schin), le Monde (Thau).

Dans ces 22 allégories, prétendent les docteurs en cartomancie, se déroule l’évolution complète des trois principes premiers : l’Univers, l’Homme et Dieu ; elles représentent la Nature naturante, la Nature naturée, la Force animatrice universelle, le Pouvoir, l’âme du monde, etc. Je ne sais pas si vous avez bien compris, cher lecteur ; mais je vous assure que je n’invente rien. Du reste, pour vous donner une idée du symbolisme contenu dans chacune de ces allégories et de l’ingéniosité de ceux qui les interprètent, je citerai ce que le F∴ Papus, 33e et occultiste, dit de la figure 15, appelée le Diable, on ne sait trop pourquoi, par exemple !

« Le Diable représente, dans toutes les cosmogonies, cette mystérieuse force astrale dont l’hiéroglyphe de Samech dévoile l’origine. Mais une considération un peu attentive du symbole permet d’y retrouver les mêmes données que dans plusieurs autres figures du Tarot. En effet, placez le Bateleur à côté du Diable, et vous ne tarderez pas à voir que les bras des deux personnages font un même geste, mais d’une manière intervertie. Le Bateleur dirige sa main droite vers l’Univers, «a main gauche vers Dieu, le Diable fait le contraire : c’est la main gauche qu’il tend vers la terre, la main droite qu’il élève en l’air. Au lieu de la baguette magique et initiatrice du Bateleur, le Diable tient la torche allumée, symbole de la Magie noire et de la Destruction. Le sceptre de Vénus-Uranie (arcane 3) est devenu la torche du Démon, les ailes de l’Ange sont devenues les ailerons hideux du Dieu du mal.