Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/314

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à son maître que, sentant qu’elle n’avait pas longtemps à vivre, elle se croyait obligée de lui confier la cause de sa maladie, espérant que cet aveu mettrait fin aux ravages de l’épidémie parmi ses compatriotes. Elle raconta alors que sa belle-mère, née parmi les Papaws, femme d’environ quatre-vingts ans, mais encore active et vigoureuse, avait lâché Obi sur elle, comme elle l’avait fait sur beaucoup d’autres, et qu’elle pratiquait depuis plusieurs années les maléfices de l’Obeah.

« Dès que le bruit de l’accusation se répandit parmi les nègres, ils accoururent en foule pour l’appuyer de leur témoignage. Le propriétaire se rendit alors à l’habitation de cette vieille, en se faisant suivre de six domestiques blancs. Ils forcèrent la porte de sa cabane, dont le toit, dans sa partie intérieure, et toutes les crevasses des murs, étaient garnis d’instruments de sorcellerie, guenilles, plumes, os de chat, etc. Ils trouvèrent, en outre, dessous son lit, une jarre de terre qui contenait un grand nombre de boules d’argile de diverses grosseurs, blanchies en dehors, et dans lesquelles elle avait fait entrer des cheveux, des lambeaux de toile et des plumes. Quelques-unes étaient entourées du crâne d’un chat, ou portaient des griffes et des dents du même animal, des dents de chien ou d’homme, des grains de verra de diverses couleurs. Il y avait aussi un grand nombre de coquilles d’œufs, pleines d’une substance visqueuse qu’on négligea d’examiner, et divers sachets pleins de différentes choses. On abattit la cabane, et on la réduisit en cendres avec tous les instruments des maléfices. Quant à la vieille, le propriétaire ne voulut pas la mettre en jugement, parce que, selon la loi, elle aurait été condamnée à mort. Il en fit cadeau à des Espagnols qui partaient pour Cuba. Depuis ce moment, tous les nègres de la plantation reprirent courage, et l’épidémie s’arrêta. »

La secte des Vaudoux n’est point encore éteinte aujourd’hui. Certains auteurs prétendent même que, depuis la fameuse révolution de Saint-Domingue, qui fut indubitablement son œuvre, cette sorte de franc-maçonnerie a pris une nouvelle extension.


Sorts jetés sur les Bestiaux. — Entre 1687 et 1691, plusieurs bergers ayant été condamnés à mort par le bailli de Pacy, en Brie, pour maléfices jetés sur les bestiaux, le Parlement de Paris, jugeant les preuves insuffisantes, avait cru devoir casser le verdict du bailli et substituer les galères à la peine de mort. La question était de savoir si les ravages commis étaient dus à des opérations diaboliques ou à des moyens naturels. Parmi les condamnés de la Haute-Justice de Pacy, s’en trouvait un, Pierre Hocque, qui n’avait été condamné qu’à neuf ans de galères pour avoir fait mourir grandi nombre de bestiaux par des gogues[1]. Le Parlement avait confirmé cet arrêt.

  1. On appelle gogues des charmes composés de sang, de fiente d’animaux, d’eau bénite, de pain bénit, de morceaux d’hosties consacrées, de couleuvres et de crapauds, dont la vertu était renouvelée par des aspersions de vinaigre.