Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or, la haute-maçonnerie, tout en faisant cause commune avec l’extrême-gauche (socinienne) et la gauche (anabaptiste, presbytérienne, luthérienne, calviniste, etc.) du protestantisme, n’a nullement pour but final de faire régner sur le globe les idées de Luther, de Calvin et autres prétendus réformateurs. Son but final, nous le connaissons, c’est le culte universel de Lucifer soi-disant Dieu-Bon.

Il s’agit donc d’agir sur les esprits des protestants, de leur faire perdre toute foi en Dieu et en son Christ, comme on cherche, d’autre part, à pervertir l’âme des catholiques.

C’est à cette œuvre que se vouent les Odd-Fellows.

Je n’ai pas pénétré chez les Odd-Fellows, ayant assez à faire chez les Palladistes ; mais, une partie de ceux-là (les initiés de la seconde classe) étant en rapports avec ceux-ci, ayant la correspondance directe de Charleston, étant reçus dans les triangles, j’en sais suffisamment pour pouvoir tracer à grands traits une esquisse de cette société non moins satanique que l’autre.

En outre, je complèterai, dans ce bref tableau, mes renseignements personnels par ceux de mon excellent ami M. A.-C. De la Rive, qui est un travailleur infatigable, doublé d’un enquêteur habile, sachant à merveille diriger où il faut ses recherches et possédant des moyens sûrs d’information, dont son récent volume la Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie Universelle a fourni l’éclatante preuve. Nous avons, lui et moi, en diverses circonstances, travaillé chacun de notre côté, en des enquêtes parfois bien délicates, hérissées de difficultés, nous livrant parallèlement à des investigations sur des questions identiques ou analogues, et, je dois le dire, nos renseignements ont parfaitement concordé.

Je vais donc relever ici quelques notes de M. A.-C. De la Rive[1] et les compléter de mon mieux.

Ce sera un historique sommaire, je le répète, mais intéressant néanmoins, à raison du développement effrayant pris en ces dernières années par l’Ordre satanique des Odd-Fellows. Je laisse à M. A.-C. De la Rive le soin de poursuivre les découvertes ; car, là encore, il y a tout un monde d’iniquités à dévoiler. Mieux que personne, il me paraît devoir être l’historien définitif de la secte quasi-rivale du Palladisme.

C’est vers 1788 que fut fondé, à Londres, l’Ordre des Odd-Fellows. Ce mot, d’un sens très anodin, veut dire : les drôles de corps, les bons garçons, les joyeux drilles ; dans le public profane, on qualifiait au début leurs réunions de « clubs des originaux ». Comme on le voit, il n’y a pas là de quoi inspirer la défiance ; c’est toujours sous des dehors d’aimable compagnon que Satan s’insinue dans la société. Mais, allez au fond des choses, soulevez le voile ;

  1. La Franc-Maçonnerie démasquée, numéro d’avril 1894.