Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/419

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   Goûtant sa joie en paix, la vertu ne se vante ;
   Son bonheur lui suffit ; muette, elle est contente.
      Il paraît qu’autrefois, — chères Sœurs, entre nous, —
   Les femmes n’étaient pas discrètes comme vous…
   En ces temps reculés d’ignorance profonde
   (Car le premier Maçon est vieux comme le monde),
   Les femmes ne pouvaient porter loin un secret,
   Et l’homme seul alors se prétendait discret.
   Mais depuis que le monde a par nous la lumière,
   On est bien revenu de cette erreur grossière ;
   Et, nous en témoignons, au nez des confesseurs, ,
   Ève aujourd’hui se tait… Frères, vivent nos Sœurs !…

Il y a là, en effet, une discrétion qui s’impose, même aux adversaires de la franc-maçonnerie. Vis-à-vis de ces femmes, on est saisi d’une immense pitié ; l’honneur des familles est en jeu ; l’on a beau s’être promis de livrer au public les noms que l’on sait, la plume vous tombe des mains, dès qu’il s’agit d’écrire celui d’une de ces victimes.

D’ailleurs, c’est la seule restriction que je fais dans mes révélations. Me conformant fidèlement aux ordres du Saint-Siège qui prescrit de dénoncer tous les chefs et coryphées de la secte, je n’ai aucune hésitation à imprimer en toutes lettres les noms des hauts-maçons connus de moi, de ceux qui, à un litre quelconque, dirigent la guerre contre l’Église ; et, comme on l’a vu déjà, comme on le constatera encore, Je ne fais pas d’exception en faveur des femmes. Mais les malheureuses qui font partie du troupeau avili et exploité, je les laisse à leur honte personnelle ; loin d’être des chefs, celles-ci sont des esclaves, et j’estime qu’il n’y a aucun intérêt à nommer spécialement, dans une publication, celles que j’ai pu rencontrer sur ma route au cours de mon enquête.

De la déclaration qui précède, il ne ressort, bien entendu, aucun blâme de ma part adressé à M. De la Rive, qui a cru, lui, devoir publier près de mille noms de sœurs maçonnes, sans établir entre elles aucune distinction : mais le livre de M. De la Rive et mon ouvrage ont chacun une portée bien différente.

M. De la Rive, qui ne s’est pas fait initier pour connaître les mystères de la franc-maçonnerie, s’est attaché à recueillir le plus grand nombre possible de documents officiels de la secte ; là, il a relevé des noms de maçonnes, et il les à publiés, en citant les extraits où ces noms figuraient. Or, lorsqu’un bulletin ou une revue maçonnique, par le plus grand des hasards, s’oublie à imprimer un nom de sœur, le rédacteur se garde bien de dire à quelle classe de la maçonnerie féminine cette sœur appartient. D’où il suit que M. De la Rive n’a pu spécifier, dans sa nomenclature, lesquelles de ces femmes sont des maçonnes de pratique et lesquelles sont des maçonnes de simple étiquette. Tant-pis pour celles de ces dernières qui ont laissé imprimer leurs