Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/454

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l’abbé Fournié, ne se sont pas dit, eux aussi, que, suivant tel ou tel initiateur occulte, ils ne voulaient qu’aller vers Dieu, et sont en réalité allés vers le diable ! Combien, en croyant suivre Jésus-Christ, ne suivent qu’un Martinez Pasqualis ! Imprudents qui ne savent pas assez jusqu’à quel point Satan peut revêtir la livrée du Christ !…

Écoutons Fournié :

« Ses instructions journalières étaient : de nous porter s sans cesse vers Dieu, de croître de vertus en vertus, et de travailler pour le bien général. Elles ressemblaient exactement à celles qu’il parait dans l’Évangile que Jésus-Christ donnait à ceux qui marchaient à sa suite, sans jamais prier personne à les croire sous peine de damnation, sans imposer d’autres commandements que ceux de Dieu, sans imputer d’autres péchés que ceux qui sont expressément contraires à la loi de Dieu, et nous laissant bien souvent en suspens, s’il était vrai ou faux, bon ou mauvais, ange de lumière ou démon.

« Cette incertitude me brûlait si fort en dedans que nuit et jour je criai vers Dieu, pour que, s’il existait réellement, il vint me secourir. Mais plus je me réclamais à Dieu, plus je me trouvais enfermé dans l’abîme et je n’entendais pour toute réponse intérieure que ces idées désolantes : il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas d’autre vie, il n’y a que mort et néant. Ne me trouvant entouré que de ces idées, qui me brûlaient de plus en plus fort, je criais encore plus ardemment vers Dieu et sans discontinuer, ne dormant presque plus, et lisant les Écritures avec une grande attention, sans jamais chercher à les entendre par moi-même.

« De temps en temps, il arrivait que je recevais d’en haut quelques lumières et des rayons d’intelligence ; mais tout cela disparaissait avec la vitesse d’un éclair. D’autres fois, mais rarement, j’avais des visions, et je croyais que M. de Pasquallys avait quelque secret pour faire passer ces visions devant moi, quoique néanmoins elles se réalisassent, peu de jours après, telles que je les avais vues.

« Je vécus ainsi plus de cinq ans dans de fatigantes incertitudes, mêlées de grandes agitations, toujours désirant que Dieu fût, et d’échapper moi-même au néant, mais toujours enfoncé dans un abîme ténébreux, et ne me voyant entouré que de l’opposé de la réalité de l’existence de Dieu et conséquemment de l’autre vie ; de sorte que j’étais tourmenté à l’extrême, et comme brûlé par mon désir de Dieu et par la contradiction de ce désir.

« Enfin, un jour que j’étais prosterné dans ma chambre criant à Dieu de me secourir, vers les dix heures du soir, j’entendis tout à coup la voix de M. de Pasquallys, mon directeur, qui était corporellement mort depuis plus de deux ans, et qui parlait distinctement en dehors de ma chambre, dont la porte était fermée, ainsi que les fenêtres et les volets.