Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/456

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lement une semaine, ou un mois, ou un an ; mais que, depuis ce premier moment, je les ai vus pendant des années entières et constamment, allant et venant ensemble avec eux, dans la maison, dehors, la nuit, le jour, seul et en compagnie, ainsi qu’avec un autre être qui n’est pas du genre des hommes, nous parlant tous mutuellement et comme les hommes se parlent entre eux.

« Je ne puis ni ne dois rapporter ici rien de ce qui s’est fait, dit et passé dans mes visions quelconques, depuis le premier moment jusqu’à aujourd’hui. Malheureusement, on se moque dans le monde de toutes ces choses ; on en nie la réalité, et on plaisante ou on veut bien avoir pitié de ceux qui les attestent, comme si c’étaient des fous absolument incurables. Il semblerait donc que, d’après la manière dont les hommes ont reçu jadis et reçoivent encore ceux qui ont des visions, à commencer par les patriarches et les prophètes, j’aurais dû ne pas parler des miennes ; mais la volonté et la vérité de Dieu doivent toujours l’emporter sur tout-ce que les hommes pourront dire. »

Rien de plus instructif que ce récit, qui nous fait toucher du doigt la nature des communications surnaturelles dont Pasqualis était favorisé et pouvait favoriser ses adeptes, même après sa mort. Qui ne comprendrait, à ces terreurs en face du sombre abîme, à ce coup terrible et surhumain ressenti dans l’âme, à l’apparition de cet être supérieur qui n’est pas du genre des hommes, que nous avons affaire ici au prince de la lumière infernale[1], se transfigurant enfin dans la personne même de Jésus-Christ ? Jésus-Christ, évoqué par Pasqualis ! par l’effronté négateur de sa divinité ! Qui pourrait croire que Jésus-Christ pût se prêter à un pareil rôle ? Que pouvait-ce être, si ce n’est une vaine fantasmagorie du démon, habilement combinée pour enlacer plus sûrement et plus étroitement un adepte crédule à Pasqualis et à son infernal mysticisme ?

Comme le remarque très bien Matter, « c’est bien dom Martinez en personne (c’est-à-dire, le diable sous la figure de Martinez), qui est son initiateur et son vrai maître. C’est lui qui le conduit et le fait passer lentement par tous les degrés : instruction ; lumières d’en haut, qui fuient comme des éclairs ; visions qui se réalisent ; apparitions graduées, et enfin inspiration. »

Il faut le reconnaître, ce livre, inspiré par Satan-Pasqualis, ne vaut pas mieux que tous les volumes dictés depuis par les esprits désincarnés

  1. Dans un rituel maçonnique datant de l’époque où florissait l’Illuminisme, on trouve un grade, celui de Chevalier d’Orient, dont le mot de passe était lux ex tenebris, et le rituel en donnait l’explication suivante :
    « D. Que signifie le mot lux ex tenebris ?
    « R. Que c’est du fond des ténèbres que nous retirons toute perfection et la vraie lumière. » (Deschamps : les Sociétés secrètes. I, p. 93.)