Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/458

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Pasqualis s’inspirait da même esprit que Swedenborg, pour qui, au surplus, Fournié professait la plus grande estime, fermement persuadé que, comme lui, Swedenborg avait réellement vécu et conversé avec ces esprits dont il écrit les révélations.

« Nous devons avoir d’autant moins de peine, dit-il, à concevoir que Swedenborg a réellement été parmi les esprits bons et mauvais, et qu’il a rapporté ce qu’il a entendu en conversant avec eux, que c’est exactement de la même manière que nous serions entre nous si tout d’un coup Dieu venait à nous décorporiser entièrement ; c’est-à-dire qu’étant ainsi décorporisés, nous concevons qu’étant des êtres de vie éternelle nous pourrions continuer à nous voir les uns les autres, et à parler des vérités éternelles et divines comme chacun de nous les regarde, les croit, les voit et en parle actuellement. »

Swedenborgisme et Martinisme, en réalité, ne font qu’un. Le Swedenborgisme se répandit en France et en Italie grâce à l’apostolat d’un bénédictin devenu franc-maçon, dom Pernetti, grand alchimiste, qui réussit à fonder une loge d’Illuminés dans la ville même des papes, sous le nom de Martinistes.

Tel était, comme initiateur cabaliste, ce juif prétendu converti, qu’il nous faut voir maintenant à l’œuvre dans la franc-maçonnerie autant que le permettent les rares documents qui se rattachent à sa personne et à son action.

Selon Matter, toute sa vie est enveloppée de mystères. « Il arrive dans une ville, dit-il, on ne sait d’où ni pourquoi. Il la quitte on ne sait ni quand ni comment. » Matter aurait parlé tout autrement, et la vie de son héros lui eût paru beaucoup moins mystérieuse, s’il avait eu sous la main les archives maçonniques des différentes villes où séjourna Martinez.

C’est ainsi, par exemple, que nous le voyons arriver à Bordeaux à une date très précise, le 28 avril 1762, et rendre compte quelque temps après à la Grande Loge de Paris de ce qu’il a fait dans cette ville pour la propagation et la gloire de l’Ordre :

« Étant arrivé à Bordeaux le 28 avril 1762, je ne trouvai qu’un seul temple symbolique, sous le titre de la Loge Française, où l’on travaillait, quoiqu’il y en ait quatre d’élevés sur cet orient, les trois autres ayant suspendu leurs travaux. Cette inaction m’a engagé à ranimer le zèle des Maçons de cet orient, et j’ai cru convenable pour la propagation et la gloire de l’Ordre, d’user de la force, du droit, du pouvoir qui m’ont été conférés par les députés grands-maîtres de la Grande Loge de Stuart[1]. En conséquence,

  1. Les historiens maçonniques racontent que les intrigues des partisans des Stuarts d’Angleterre en France contribuèrent puissamment à l’établissement des hauts grades dans la franc-maçonnerie, et que le prétendant Charles-Édouard trouvait une source de revenus dans la vente des constitutions des chapitres des hauts grades. Il est probable que le père de notre Martinez avait payé d’une somme assez ronde le privilège dont tout à l’heure nous le verrons investi.