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On ne peut laisser passer le règne de Louis-Philippe sans faire mention de deux juifs allemands célèbres qui jouèrent alors en France un rôle important, et exercèrent sur leurs coreligionnaires et aussi sur la France et l’Allemagne la plus funeste influence, l’un au point de vue politique, l’autre au point de vue moral et religieux : le démagogue Louis Bœrne, et le grand poète Henri Heine, mais encore plus grand corrupteur : tous deux du reste ayant avec les sociétés secrètes d’Allemagne et de France les plus étroites relations.

Tous deux arrivaient à peu près en même temps en France, attirés par la révolution de 1830, comme les corbeaux par l’odeur de la mort. Ne trouvant pas en Allemagne la liberté suffisante pour y développer à l’aise les inspirations ultra-révolutionnaires de leur génie, ils y venaient respirer à pleins poumons l’air de la démagogie triomphante, et étudier sur place les merveilles du nouveau régime pour en faire profiter leurs frères d’outre-Rhin et attiser sans danger, pour leurs propres personnes, le feu qu’ils avaient contribué à y allumer à l’aide de cette conspiration antireligieuse et anti-sociale qui s’appelait la Jeune Allemagne. Toutes les sociétés secrètes réunies sous ce nom avaient les yeux tournés du côté de la France, d’où elles attendaient le mot d’ordre ; la France, par l’organe de ces deux enfants d’Israël, devait rendre à l’Allemagne ce qu’elle en avait reçu par Weishaupt et ses disciples.

Bœrne jusqu’alors avait mené une vie assez précaire. Il avait commencé par être critique de théâtre et à aiguiser contre les comédiens cette verve de satire insolente qu’il va mettre avec tant d’éclat en France au service de la démagogie cosmopolite. Né juif, avec des tendances prononcées à se rapprocher du catholicisme, il n’alla qu’à moitié chemin et se fit protestant[1]. Malgré ce que Heine appelle ses « capucinades », il restera le Nazaréen primitif, le spiritualiste juif, ennemi par nature de ce que lui, Heine, mettait au-dessus de toutes les philosophies et de toutes les religions, l’Hellénisme, c’est-à-dire le culte poétisé des plus viles et des plus dégradantes passions humaines.

Il y a, entre ces deux francs-maçons israélites, une très curieuse opposition de caractère, qui ne les empêche pas de viser le même but.

Bœrne se glorifiait d’être juif, « le rejeton d’une race qui a rempli autrefois le monde de sa gloire, et malgré son abaissement n’a pas perdu complètement encore sa sainte consécration antique. »

  1. Il ne fut jamais un protestant bien fervent et bien convaincu, à l’entendre parler ainsi de Luther : « Luther ôta au peuple le paradis et lui laissa l’enfer ; il lui ôta l’espérance et lui laissa la crainte. L’impôt remplace les dons gratuits, et le code pénal du fisc, le purgatoire. Le peuple allemand, autrefois si jovial, si spirituel, si ingénu, fut changé par la Réforme en un peuple triste, lourd et ennuyeux. En Allemagne, c’est une véritable vie de carême qui dure depuis trois siècles, et ce bon peuple germanique est encore loin de ses pâques. »