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de Jupiter et de Mercure : « Bats le tambour et ne crains rien, et embrasse la vivandière… Voilà toute la science ; voilà la philosophie de Hégel, voilà le sens le plus profond des livres ! Je les ai compris, parce que je suis un garçon de moyens et un bon tambour. »

L’histoire a pour lui le même sens que les livres. Voici ce qu’il aperçoit dans le moyen-âge, dans la sainte ville de Cologne, par exemple :

« Ici la prêtraille a mené sa pieuse vie. Ici ont régné les hommes noirs que Ulrich de Hatlen a décrits. Ici le cancan du moyen-âge fut dansé par les moines et les nonnes. Ici le cancan du moyen-âge fut dansé par les moines et les nonnes. Ici la stupidité s’accouplait à la méchanceté comme des chiens sur la place publique. On reconnait encore aujourd’hui les petits-fils à leur fanatisme stupide. Viendra un temps où bien loin de l’achever (le dôme de Cologne) on fera de sa grande nef une écurie de chevaux ! Quant aux trois rois mages qui reposent là sous leur tabernacle, fourrez-les donc dans les trois cages de fer qui sont suspendues au haut de la tour de Munster, qui a nom Saint-Lambert. »

En face de tels principes et d’une telle philosophie, il est difficile de prendre au sérieux les éloges que, çà et là, Henri Heine accorde à la Bible et à l’ancien judaïsme. On est tenté de croire qu’ils ne lui sont guère inspirés que par le désir de ne pas se mettre à dos ses coreligionnaires et surtout l’oncle Salomon Heine, le fameux banquier de Hambourg, la providence du poète besogneux[1], mais cependant toujours trop lent, au gré de l’insatiable neveu, à délier en sa faveur les cordons de sa bourse. On comprend que toutes les sympathies du poète athée sont pour le néo-judaïsme, tel que l’a fait l’émancipation révolutionnaire : « Les néo-juifs, dit-il, sont très éclairés et mangent du porc ; les anciens sont superstitieux : ils ne croient pas au Saint-Esprit et détestent le cochon. » Il disait encore des néo-juifs : « Ils sont inexterminables, parce qu’ils ont pris le minimum de Dieu, à peine le nécessaire. »

Pendant que la Jeune Allemagne exaltait Heine pour son impiété et son immoralité, celui-ci vendait sa plume au gouvernement de Juillet, et touchait 6.000 francs par an sur les fonds secrets de Molé et de Guizot[2]. C’était là assurément le lien le plus cher qui l’unissait à la France. Lorsqu’en 1848, la Revue rétrospective publia son nom parmi les pensionnaires des fonds secrets, il fut foudroyé de chagrin, mais non de remords.

Si Heine ne revendiquait pas l’incorporation à l’empire allemand de l’Alsace et de la Lorraine, ce n’était qu’en attendant le jour où l’Allemagne

  1. Il lui faisait une rente de 6.000 francs, auxquels il en ajouta 2.000 pendant sa maladie.
  2. « Je ne me suis pas vendu, disait Heine, je me suis rendu ; la monarchie de juillet est venue vers moi, je ne suis pas allé à elle. »