Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/502

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deux grands chefs de ce système qui ne vivait qu’en projet : l’un, Lechangeur, à Milan ; l’autre, Polacq, à Venise.

Marc Bédarride obtint de Lechangeur, en 1810, une patente de Grand Hazsid, haut grade sans rituel, et Michel eut aussi la sienne, l’année suivante. Polacq éleva, à son tour, Michel au grade suprême (1812) ; puis, Lechangeur étant décédé, les deux frères Bédarride se firent reconnaître par son successeur, autre juif, nommé Théodore Cerbes. Finalement, Polacq et Cerbes, qui n’avaient rien pu créer de sérieux, cédèrent à Marc et Michel Bédarride leurs droits et les papiers de Cagliostro.

Enfin, le 9 avril 1815, les trois frères Bédarride constituèrent à Paris la puissance souveraine du Rite de Misraïm pour la France ; après quoi, Joseph Bédarride quitta Marc et Michel pour s’en aller s’installer grand-maitre aux Pays-Bas.

Telle est l’origine de ce rite grotesque. Les principaux cahiers de grades furent définitivement faits, peu à peu, par les FF∴ Larrey, Rédarès, Beaurepaire, Joly, Méalet, Baucalin de Lacoste, colonel Clavet-Gaubert, docteur Gannal, et Ragon. Marc Bédarride eut le titre de fondateur de l’Ordre. D’autres puissances également souveraines du même rite s’établirent en Angleterre, en Italie (à Naples), aux États-Unis, etc., et vécurent en bonne harmonie. À la mort de Michel Bédarride (10 février 1856), un pouvoir central de toutes les fédérations du rite fut projeté, et c’est au Souverain Conseil Général de Naples que l’honneur suprême fut décerné. Entre temps, le grand-maître de Naples avait compliqué son misraïmisme en y adjoignant le rite de Memphis, et dès lors il eut le titre de Grand Hiérophante !

Les loges d’Adoption étaient en grand honneur dans l’Ordre de Misraïm : les misraïmites en font remonter l’origine au patriarche Jabel, fils de Lamech : la première grande-maîtresse fut sa sœur Noéma, disent-ils.

Pour donner une idée de l’importance du rôle que jouaient les sœurs misraïmites, je citerai quelques lignes du récit authentique de la fête d’ordre de 1819;

« Les barreaux d’Éden sont ouverts aux vertueuses et aimables Sœurs qui vont se livrer à sa culture. Le jardin d’Éden se trouve spontanément paré des plus belles fleurs. Les yeux sont délicieusement fixés par l’infinie mais toujours charmante diversité de leurs formes ; l’odorat est agréablement flatté par le parfum qu’elles exhalent : l’oreille écoute avec un charme exquis le doux tressaillement de leur feuillage délicat agité par le zéphir léger du printemps ; le goût seul et le toucher sont sevrés des jouissances que promettent leurs calices… » Parmi ces fleurs d’Éden brillait la T∴ III∴ G∴ M∴, comtesse de Fouchécourt, celle qui prenait le maillet pour procéder « à la réception des jeunes personnes douées de tous les avantages de la nature. »

L’ordre de Misraïm se glorifiait de posséder aussi dans son sein le