Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/507

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Pendant quelque temps encore, les vieux préjugés israélites retinrent les juifs scrupuleux sur le seuil des loges ; ils s’imaginaient que l’israélite ne pouvait devenir franc-maçon sans renier la religion de ses pères. « Mais les ténèbres de l’ignorance finissent toujours par se dissiper devant le soleil de la raison ; et la franc-maçonnerie, qu’on peut à juste titre appeler l’art royal, après les grandes choses qu’elle avait si royalement accomplies, renferma bientôt dans son sein tout ce que les israélites comptaient d’hommes éminents et de citoyens distingués… Les apôtres de la tolérance religieuse sont presque tous sortis des loges maçonniques.

« En Allemagne, cet esprit étroit de haine et de jalousie qui refuse encore à nos coreligionnaires les dernières concessions exigées par la raison et l’équité, s’est infiltré dans quelques loges maçonniques qui mentent à leur origine, trahissent leurs serments et sont traitres à leur mission, en n’accordant pas aux maçons israélites les droits et privilèges dus au Frère qui présente un diplôme régulier. C’est là ce qui a donné naissance à quelques loges exclusivement israélites, où se sont produits de grands talents, où sont éclos de bonnes œuvres, mais où le visiteur français du culte israélite n’entre que le cœur serré et le rouge au front. Au jour prochain où la tolérance renaîtra pour l’Allemagne, c’est sur l’autel de la loge l’Aigle que son flambeau se rallumera pour éclairer et régénérer ce pays si digne d’une entière liberté… Depuis soixante ans, la plus cordiale union n’a cessé d’exister en France entre les maçons israélites et les chrétiens ; les premiers sont arrivés souvent aux plus hautes dignités dans l’Ordre, et ont été à maintes époques promus aux grades les plus élevés. Dans ce moment même (1844), un des membres du Suprême Conseil de France professe la religion israélite. »

Je n’ai pas besoin de dire qu’il faut bien se garder de prendre au pied de la lettre tout ce qu’on vient de lire ; un écrivain franc-maçon ne parle presque jamais nettement. Ici, l’auteur a tenu surtout à créer une confusion dans l’esprit de ses frères non-juifs : on soupçonnait alors l’existence de loges exclusivement israélites, maçonnerie dans la maçonnerie, et il s’agissait de faire croire qu’il n’y en avait qu’en Allemagne et à raison d’un prétendu ostracisme dans ce pays. Nous verrons plus loin que la vérité n’est pas ainsi.

Mais, malgré son quiproquo, malgré ses restrictions et ses euphémismes, l’article du Vénérable de la loge le Mont-Sinaï, que je viens d’analyser, résume assez clairement tout ce que j’ai dit du rôle joué par les juifs dans la franc-maçonnerie. On y retrouve, si l’on veut bien lire entre les lignes, les profondes sympathies des israélites dévoyés pour ce qui fait le fond de la franc-maçonnerie, la guerre acharnée et sans merci déclarée au christianisme, le culte de la révolution antisociale et de toutes les idées pré-