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assiettes ; et, ce qui navrait surtout Wladimir, c’est que, lorsque la vaisselle volait en l’air dans la salle à manger, au milieu du repas, c’était par suite de projections absolument naturelles. Si les assiettes eussent volé d’elles mêmes contre les murs, l’époux-spirite se fût consolé ; il eût triomphé même, ces incidents lui eussent permis d’épiloguer victorieusement sur le peresprit.

D’autre part, Mme Wladimir n° 2 était dépensière au-delà de toutes limites ; en peu de temps, elle dévora à son infortuné époux les quatre cinquièmes de son petit avoir. Pourtant, le pauvre homme tenait quand même à cette femme revêche, gaspilleuse, acariâtre et pas spirite. Il avait toujours le secret espoir de la gagner à ses idées.

Il se disait qu’elle était au pouvoir d’un esprit ennemi de lui ; aussi, le soir, quand madame était endormie, il procédait sans bruit à des conjurations, conformément à un petit livre manuscrit qu’un médium de son groupe spirite lui avait vendu fort cher.

Par exemple, si madame venait à se réveiller pendant les simagrées du pauvre homme, elle coupait court, brusquement, à ces conjurations, avait ses nerfs, et souventes fois, dans une circonstance de ce genre, elle lui frictionna vigoureusement l’échine avec le premier objet venu, pelle ou pincettes, qui lui tombait sous la main.

On le voit, ce second mariage fut bien malheureux pour Wladimir ; aussi rendit-il grâces au peresprit d’Allan-Kardec, lorsque cette âme rebelle s’en retourna, un beau jour, dans l’ératicité.

Veuf pour la deuxième fois, Wladimir se posa une question :

— Dois-je encore me remarier ?

— La réponse qu’il se fit fut : Oui… Mais avec qui contracterait-il un troisième hymen ? Comment s’assurer que Mme Wladimir n° 3 serait bien une âme sœur ?…

Il passait ainsi en revue, par des démarches discrètes, toutes les familles en rapport avec lui et où se trouvait quelque aimable personne à marier. Peine et temps perdus ; il ne découvrait pas l’âme-sœur tant désirée.

Cependant, il voulait convoler, malgré tout, en troisièmes noces. Tantôt presque décidé, lorsqu’il songeait aux joies sans mélange de sa première union, tantôt rompant les pourparlers, au seul souvenir des infortunes terribles de son second mariage, il flottait constamment sur l’Océan troublé des hésitations, ne sachant que devenir, comme un navire en détresse, désemparé.

Il ne mangeait plus, ne buvait plus, ne dormait plus ; il maigrissait à vue d’œil.

Un soir, Wladimir assistait à une séance de son groupe spirite ; pas un seul des assistants n’appartenait à un triangle, je me hâte de le dire, et je