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et je réchauffai sous mon haleine le souffle de son parfum entre mes mains qui tenaient encore le poignard cruciforme (Elle montre le poignard tombé à terre). — Écoute ! Des esprits, des génies étaient, certes, enfermés en sa beauté. Aussitôt, des passages de l’histoire humaine, jusque-là voilés à mon esprit, s’illuminèrent en mémoire de significations augustes et surnaturelles. Ainsi, je compris, sans pouvoir m’expliquer même l’intérêt que je prenais à le comprendre, pourquoi cette fleur, ainsi placée, par hasard, entre mes mains sur la croix de mon poignard, formait un signe qui avait dissipé, autrefois, comme du sable, les plus fiers et les plus solides empires. Ce signe, je l’ai bien vu tout à l’heure, étinceler sur chacun de ces tombeaux… Je veux l’effeuiller sur toi, mon chevalier, en présage de tous les abandons que mon amour trouvera pour te ravir ! »

Voilà dans quelle divagation mystique finissent par tomber les goètes artistes. Toutes leurs fioritures de style ne réussissent pas à cacher le symbolisme obscène de la rose-croix, si clairement exposé par les Ragon, les Pike, les de La Jonquière.

Un autre bizarre sataniste, parmi les isolés, c’est M. Jules Bois, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, et qui s’intitule mage blanc en opposition à M. Stanislas de Guaita ; mais, quand on observe de près M. Jules Bois, on se convainc bien vite qu’il à autant de titres à être tenu pour goète que son adversaire occultiste de l’avenue Trudaine.

Si Villiers de l’Isle-Adam était un isolé pur et simple, M. Jules Bois, sans avoir encore réussi à organiser un groupement sérieux pouvant marcher de pair avec les fédérations martiniste ou valentinienne, est néanmoins à la tête de quelques compagnons, une poignée, que son ambition voudrait transformer en une école nouvelle. Lui-même, il à longtemps oscillé entre le swedenborgianisme et le messianisme du groupe de l’Étoile. Ce journal insère souvent ses élucubrations, et il a, en outre, une revue personnelle d’occultisme, intitulée le Cœur.

Dans ces feuilles, où le satanisme est fort transparent, il écrit des articles de psychologie ésotérique, et il y fait aussi la critique de tous les livres nouveaux qui se rattachent de près ou de loin à l’occultisme.

Il semble s’être épris tout d’abord des doctrines bouddhiques prêchées par Mme Blawatsky :

« Ma jeunesse mystique, dit-il, dans les Petites Religions de Paris, fut traversée par la légende de Blawatsky. Nous en avons souvent causé sur le bord de la mer et en Provence. Elle nous apparaissait à la fois fatale, belle et méchante, portant à son front l’auréole noire de l’Antéchrist, — destructrice des dieux, tourmenteuse des consciences et soufflant la folie dans les trompettes de l’énorme et magique sagesse de l’Orient. »

S’il faut en croire quelques vagues confidences éparses dans ses écrits, il semble avoir été victime, dans sa première jeunesse, de perverses et infernales curiosités. Dans un article de l’Étoile (juillet 1890), après avoir rappelé