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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/258

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Pike s’avança, lui seul, le plus près qu’il était possible de le faire sans risquer d’être brûlé, et il nous dit :

— Frères et sœurs, ce sont bien là les flammes divines ; ce feu est celui-là même qui forme l’élément céleste où se baignent et se vivifient les âmes des Élus, au royaume éternel du Dieu-Bon.

Puis, s’adressant au crâne :

— Ô saint Jacques, héroïque et noble martyr, ajouta-t-il, veux-tu nous parler ? Veux-tu nous dire quelles sont tes allégresses au sein de Lucifer ?

— Je parlerai, répondit une voix qui n’avait rien d’humain et qui semblait sortir des profondeurs de la terre et comme s’échappant du prétendu crâne de Jacques Molay.

Alors, un dialogue s’établit entre Albert Pike et la voix infernale.

— Édifie-nous, ô grand saint Jacques ! parle, parle.

— C’est une haute faveur que notre Divin Maître a accordée à la mère du docteur, ton lieutenant, en réincarnant mon âme dans ce corps qui est là inerte, pour un instant. Mais, quand le Dieu-Bon veut que, par exception, une âme d’Elu revienne vivre sur terre, elle n’a plus à craindre, dans sa nouvelle vie, les persécutions d’Adonaï… Les maleachs, à présent, ne peuvent plus rien contre moi, soit tandis que je suis au-royaume de notre Dieu, soit tandis que j’anime le corps de Gallatin Mackey et que je revis sous son nom…

— Et maintenant, est ce bien vraiment au paradis que tu te trouves ?

— Oui, je suis redescendu chez Lucifer. Vois ton ami, qui git là ; constate que la vie l’a abandonné… Je l’ai quitté pour une heure, selon le décret du Dieu-Bon, afin de venir me retremper dans les flammes divines.

— Quel accueil les Élus te font-ils ?

— Ils se réjouissent de me revoir parmi eux… Je suis, en ce moment, auprès de Martin Luther et de Nicolas Flamel… La cour céleste me fait fête… Oh ! je suis bien heureux !… Que nos frères et nos sœurs travaillent sans cesse à se rendre dignes de l’éternelle couronne de gloire ; on est si bien ici, dans l’océan de l’amour divin !… Aucune expression humaine ne peut vous faire comprendre l’intensité des joies suaves que les Élus du Dieu-Bon éprouvent.

— Comment, entre Élus, vous distinguez-vous les uns des autres ?

— Nos corps n’existent point au paradis, et nos âmes n’en font plus qu’une, confondues qu’elles sont dans l’âme divine, avec les âmes de tous les esprits de feu ; c’est là l’état ordinaire de la nouvelle vie, de la vie éternelle. Mais, de temps en temps, pour varier nos plaisirs, le Dieu-Bon permet à chaque âme d’Élu et à chaque âme de Génie bienfaisant de