Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/274

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Mlle Walder devrait même me savoir gré des circonstances atténuantes que je lui accorde, et que tout catholique lui accordera, précisément parce que, la considérant comme possédée, nous la plaignons, même dans les œuvres coupables qu’elle accomplit ; dans la rage infernale qu’elle déploie, elle n’est qu’un instrument du démon qui est en elle ; disons le mot, elle n’est pas responsable de ses diableries.

Du reste, si j’ai nommé Mlle Walder, c’est à raison à de son maçonnisme ; elle n’est pas la seule possédée que j’ai étudiée, et je ne nomme pas, je n’ai aucune raison de nommer celles que j’ai rencontrées en dehors des triangles, c’est-à-dire celles qui, bonnes chrétiennes, m’ont soumis leur cas, pour savoir s’il relevait du médecin ou du prêtre.

Dans l’épisode que je vais raconter, il importe de scinder en deux catégories de faits très distinctes ce que j’ai appris de la bouche de Mlle Walder. Sa maladie elle-même n’est nullement de celles qui constituent un secret, et, quant à sa confidence d’un acte très coupable qu’elle voulait, mais n’a pu commettre, c’était un secret maçonnique, et en aucune façon un secret de malade. Seulement, voilà ! Sophia a voulu prendre les devants et m’en imposer, en me traitant de violateur du secret professionnel, avant que j’aie parlé. Ceci indiquerait que, sur ce point, elle a conscience de sa culpabilité ; on ne craint pas les révélations, quand on croit intimement avoir agi pour le bien.

Donc, c’était en 1884, un mois après que Léon XIII promulgua son immortelle encyclique Humanum Genus. J’avais un congé, qui me permit de venir passer quelques jours en Italie ; mais, pour une raison particulière, je devais garder l’incognito : j’avais à m’enquérir, du côté de Naples, de certaines choses qui m’avaient été signalées par Carbuccia, depuis bon temps disparu pour ses ex-frères. Le 20 mai, j’étais à Rome, de passage, le temps de prendre, chez quelqu’un qui se tenait en dehors du mouvement maçonnique, sans être cependant dévoué à l’Église, une lettre de recommandation pour Naples, où, à aucun prix, il ne me fallait éveiller l’attention des Bovio et des Pessina. Cette affaire, dont je m’occupais et qui est étrangère aux événements et études, objet de cet ouvrage, me fit aller deux fois à Caserte, une fois à Frosinone et une autre fois à Roccasecca ; je dus me multiplier, revenir à Rome à plusieurs reprises, retourner chaque fois à Naples, qui était mon centre d’opérations. Le 1er juin, je me trouvais, inoccupé, dans la « douce Parthénope » ; j’attendais quelqu’un de Caserte, qui m’avait promis de venir par le train qui débarque à une heure et demie ; mon homme m’avait manqué de parole ou avait été retenu par quelque empêchement majeur imprévu. D’autre part, dans les conditions où je menais mon enquête, je n’avais pu donner à cette personne ni nom ni adresse où me télégraphier. Je n’avais qu’à renoncer à lui, et cependant son concours m’était bien utile ;