Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourrait soupçonner son fanatisme, tant il est placide, bienveillant, paternel ?

Ce n’est pas un hystérique, celui-là, certes. Il jouit d’une santé relativement bonne, n’ayant que les indispositions passagères qui sont le lot de tout le monde. Il est tout à fait sain d’esprit, raisonnant en logicien parfait, dans le sens de ses opinions anticléricales, bien entendu ; c’est pour l’Église, un adversaire méthodique, qui suit un plan et ne perd jamais de vue son but.

Cependant, cet homme si calme, si paisible, est un possédé à l’état latent, et certainement ce n’est pas le premier diable venu qui loge en lui.

L’œil est, chez le possédé, l’organe par lequel le démon trahit, au premier aspect, sa présence ; le regard d’un possédé, surtout latent, n’est pas un regard humain, même en dehors des périodes de manifestation. Chez le F∴ Painblanc, l’œil est fulgurant ; ce sont des éclairs qui jaillissent de ses prunelles, et son regard, à lui seul, dément toute la placidité de sa physionomie.

Je n’ai pas assisté aux prestiges du F∴ Painblanc ; mais ils m’ont été affirmés par une grande-maitresse argentine, qui, venue à Paris, lors de l’exposition du centenaire de 89, en fut témoin. D’après elle, ce palladiste éminent jouirait de la faculté de se grandir jusque dans des proportions fantastiques. Pour démontrer combien le grand architecte le favorise, il lui suffit, une fois qu’il s’est installé à l’orient où grand-maitre et grande-maîtresse lui cèdent leur place présidentielle, d’adresser aux puissances du feu une assez longue invocation cabalistique, pendant laquelle sept frères frappent toutes les trois secondes, à tour de rôle, un coup sec sur un tambour couvert de hiéroglyphes ; ce tambour a été donné au F∴ Painblanc par le démon Béhémoth. Alors, l’invocation terminée, on voit le magicien grossir et grandir peu à peu, outre mesure, jusqu’à ce que sa tête vienne toucher la voûte du temple triangulaire. Et cette œuvre de grand-rite, si elle s’accomplit réellement comme elle m’a été rapportée, confirme ce que je disais tout à l’heure au sujet de la diabolisation de la matière apparente : dans ce prestige, les vêtements suivent le corps du possédé dans son développement anormal, et redeviennent ce qu’ils étaient d’abord, quand le F∴ Painblanc reprend sa grandeur naturelle. Durant l’espace de vingt minutes à demi-heure, le magicien est un véritable géant, sans que ses vêtements aient craqué pendant le grossissement du corps, et les frères et sœurs de l’assistance paraissent des liliputiens. Mais, ce qu’il y a de plus curieux, c’est que, si le F∴ Painblanc se met à parler pendant la durée du phénomène, il a alors une voix de tout petit enfant ; quant au tambour de Béhémoth, si on le frappe d’un coup de baguette après l’invocation et avant la fin du prestige, au lieu de rendre le son habituel, il pousse un retentissant cri de coq.