Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bagdad. Le R. P. Maurice Garzoni, missionnaire pendant dix-huit ans dans le Kurdistan, les mentionne fréquemment au cours de ses relations. À ces noms et à ceux que j’ai cités plus haut, il faut ajouter encore Niebuhr, Rich, Ainsworth, Reclus, Perkins, Forbes.

Parmi les Jézides les plus fanatiques, les plus dépravés, les plus féroces, et par conséquent les plus redoutés, il convient de signaler ceux des tribus de Khizil-bach ou « Têtes Rouges », qui vivent dans le bassin moyen de l’Euphrate, sur les bords du Ghermili et du haut Khizîl-Irmak. Ceux-ci ont, sous la dépendance du Mir de Baadlî, un patriarche résidant dans le Derzim, près du fleuve Mourad. Cette branche de Jézides compte, dit-on, 400.000 sectaires ; toutefois, Taylor ne croit pas devoir les évaluer à plus de 250.000, ce qui est encore un fort joli chiffre. Dans la contrée, on les gratifie du sobriquet de Terah-Sonderan ; ce qui veut dire : « les éteigneurs de lumières ». Ce sobriquet leur a été donné à cause d’une de leurs coutumes rituelles qui les dénonce bien comme dignes frères des anciens gnostiques, manichéens et albigeois ; cette cérémonie abominable, plus ignoble que les bacchanales du paganisme, a lieu au 8 des calendes de janvier, c’est-à-dire au solstice d’hiver (jour de la Noël). Thomas Hyde rapporte qu’un de ses amis, un syrien nommé Andréas Pharah, put se glisser parmi les Jézides et être témoin oculaire de ce qui se passe dans ces infâmes saturnales. Hommes et femmes réunis, après de copieuses libations, éteignent toutes les lumières et se livrent dans les ténèbres à tous les désordres. Avant que ces lumières fussent éteintes, ce Pharah avait remarqué une jeune jézide assise près d’une vieille, et s’était promis de s’adresser à elle ; mais il se trompa et tomba sur la vieille. Afin de s’assurer de qui il tenait, il lui tâta la bouche pour inspecter ses dents ; sur quoi, dit Thomas Hyde, la vieille cria : Garib ! garib ! (un étranger ! un étranger !). Pharah dut se hâter de déguerpir, pour ne pas être écharpé par l’assemblée.

Dans ces pays perdus du Kurdistan, des missions catholiques ont réussi à s’installer, mais avec quelle peine ! Il y en a à Mossoul, à Telkef, à Tiskopa, à Elkous, à Akra, à Amadiah, à Akereh, à Sat, à Ardikhaï, à Ourmiah, à Khosrova. La conquête des âmes est particulièrement difficile dans le pays du Tigre ; entre Mossoul (endroit où s’élevait jadis Ninive) et Elkous, la rive droite du fleuve est presque entièrement occupée par les Jézides, et la rive gauche par les Chaldéens, qui ne valent guère mieux. Ailleurs, ce sont les Jacobites et les Nestoriens, hérétiques haineux qui dominent. C’est bien là, vraiment, une contrée du diable. Au surplus, pour mieux contrecarrer l’action des missions catholiques, les missionnaires protestants pullulent dans cette région maudite. Ils sont établis partout : à Mossoul, à Akra, à Dareh, à Amadiah, à Beoulata, à Goleh, à Koulat, à Hasrou, à Hini, à Havadorik, à Mouch, à Bitlis (près du lac de Van), à Mar-Akha, à Arbach, à