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Asnières, Clichy, sur la rive droite. Mais c’est surtout du côté de Sèvres que l’on se rendait pour trouver nombreuse compagnie. Élisée Reclus habitait là, et aussi Askinasi (rue des Guinguettes), très hospitalier ; chez lui, que de longues causeries, le dimanche ! S’il faisait beau, on allait en bande à Saint-Cloud. Croirait-on que c’est dans ces déjeuners sur l’herbe que l’on arrêtait les mesures les plus terribles ? La bombe qui a tué le tsar Alexandre II a été fabriquée à Paris, cette bombe fameuse composée de boîtes à ressort de montre ; c’est dans le bois du Vésinet que les boîtes explosibles ont été essayées.

Mais un bon nombre d’engins ont été fabriqués à Londres aussi. Là, l’imprimerie est merveilleusement outillée, et elle ne se contente pas d’imprimer des journaux et des brochures de propagande révolutionnaire ; on y confectionne de faux billets de banque russe (ou roubles-papier) dont l’échange se fait très facilement par le moyen des colporteurs.

Le chef des colporteurs anarchistes est le compagnon Taskini, domicilié avenue Reille, non loin de l’observatoire. Je puis le nommer ; il n’est plus à Paris. C’est lui qui, sous le prétexte du commerce des étoffes, dirige tout le colportage nihiliste entre l’Angleterre, la France, la Suisse, l’Allemagne et la Russie. Les compagnons, déguisés en marchands ambulants, ont leur pacotille de bibelots et surtout de lainages, de cotonnades, de linge grossier, de blouses à bon marché ; cela sert à pénétrer chez les ouvriers, à qui l’on fait la vente d’abord ; puis, si l’on voit qu’on à affaire à des camarades qui ne vous trahiront pas, on entame la propagande verbale, et l’on finit par sortir les imprimés, cachés au fond des ballots sous les étoffes.

Vous avez tous entendu parler de l’Indicateur anarchiste. Je vais vous donner une idée de cette brochure-là en vous en citant le début ; c’est un in-18 en 40 pages, imprimé à Londres, par les soins de Kropotkine, à l’imprimerie centrale secrète.


« Il est absolument inutile, dit l’auteur anonyme, de te faire un épouvantail de la fabrication des produits détonnants ou explosifs. En suivant scrupuleusement nos prescriptions, tu peux manœuvrer en toute confiance ; un enfant de douze ans ferait tout aussi bien que toi.

« Ne te presse pas : manipule sur les quantités indiquées, ou la moitié, jamais le double. Répète plutôt deux fois l’opération que de doubler les doses.

« Toutes les recettes que nous te donnons ici ont été recueillies par nous dans les ouvrages spéciaux ; nous les avons aussi mises en pratique, ce qui fait que nous te donnons les résultats obtenus par des spécialistes et contrôlés par nos propres expériences.

« Travaille dans une chambre bien aérée et ne laisse pas tes acides ou les produits obtenus trop près de ton lit, ni de l’endroit où est ta nourriture.

« Tu n’auras pas beaucoup d’instruments dans ton petit laboratoire ; car tout cela coûte cher, et c’est autant de pris sur ta nourriture, celle de ta compagne