Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/95

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à cette œuvre : une théorie sociale ; lacune comblée par la synarchie ou l’équilibre européen de M. de Saint-Yves, dont la réalisation serait « l’avènement du règne messianique sur la terre. Miroir de la divinité même, l’humanité, triple et une, serait régie par le ternaire[1] et marquée par addition de son unité spécifique, au signe du quaternaire. »

Quant à l’explication des phénomènes merveilleux dont la science magique peut être la source, de Guaita les explique tous par une seule hypothèse, celle du corps astral, médiateur entre l’esprit et le corps, composé du fluide nerveux et du fluide magnétique, ce dernier n’étant que la lumière ambiante tour à tour aspirée et respirée. Ce médiateur plastique pouvant, s’il est exercé convenablement, coaguler ou dissoudre, au gré de la volonté, projeter au loin ou attirer à sui une portion du fluide-universel ; « il est loisible à l’adepte d’influencer toute la masse de la lumière astrale, d’y créer des courants, d’y produire enfin, même à distance, d’étonnants phénomènes, que la commune ignorance qualifie de miracles ou de tours de passe-passe, à moins qu’elle ne trouve plus simple encore de les nier obstinément. »

On le voit, toute influence, toute intervention surnaturelle semble être exclue de ce système. Mais il ne faut pas perdre de vue que, pour Stanislas de Guaita dont j’ai publié plus haut l’acte de foi et d’amour à Satan, ce que nous appelons, nous, catholiques, le surnaturel, est, à ses yeux de mage noir gnostique et cabaliste, le naturel. Aussi, ne se contredisant qu’en apparence, c’est-à-dire ne paraissant se contredire qu’aux yeux des non-initiés qui n’ont pas la clef de ce style où le sens des mots est si souvent interverti, retourné, il déclare carrément : « Le surnaturel n’existe pas, le surnaturel n’est pas », tout en reconnaissant l’existence de Satan, son maitre et son inspirateur, que, dans son système, il représente comme devant finalement « s’anéantir ou se fondre, en s’harmonisant dans la splendeur du Beau-Bien, qui est Dieu.

Enfin, je ferai, à propos de M. de Guaita, une remarque qui s’applique à grand nombre d’occultistes et qui prouve que le principe fondamental de toutes ces écoles est bien le même : le satanisme. C’est que nous voyons ces docteurs ès-cabale passer indifféremment d’une école à l’autre, et même appartenir souvent à la fois à plusieurs groupes professant un système absolument distinct quant à la théorie. Ces théories ne sont donc que des étiquettes portant des formules différentes, mais collées sur des flacons recélant tous la même essence ; et l’essence, c’est toujours et partout le démon, Satan à qui on se donne, à qui on se voue, soit comme sweden-

  1. D’après Saint-Yves d’Alveydre, l’administration de chaque pays serait confiée à trois collèges de spécialistes : les Doctrinaires enseignants (conseil des Églises) ; — les Législateurs juristes (conseil des États) ; — les Notables économistes (conseil des Communes).