Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux seulement qui savaient nager survécurent. Zi-ka avait ainsi reçu du dieu Tcheun-Young une terrible leçon ; son pouvoir d’opérer des prodiges lui fut enlevé, et il dut vivre dès lors humilié parmi les hommes.

Il vécut ainsi longtemps encore. Ce ne fut que quatre-vingt-dix-neuf ans après cet événement, que Zi-ka comprit ses torts, éprouve un vif et sincère repentir. Comme gage de sa soumission au dieu Tcheun-Young, il fonda la sacro-sainte association de la San-ho-hoeï, dont la première assemblée fut tenue aux bords mêmes du lac qui existe encore au centre de Tong-Ka-Dou et qui provenait des eaux de la destruction du temple maudit.

Le Dieu Bon fut touché du repentir de Zi-ka ; mais il résolut de lui imposer encore une épreuve de vie humaine.

C’est pourquoi, en l’année de l’ère chinoise qui correspond à l’an 1380 de l’ère chrétienne, Tcheun-Young fit mourir Zi-ka en Chine et renaître en Europe, et le dieu lui dit :

— Dans cette seconde incarnation, tu seras borgne comme dans la première, et ta réconciliation définitive avec moi te sera assurée si tu combats à outrance et sans merci les sectateurs du dieu-diable. Lorsque tu auras massacré quinze mille prêtres et huit mille religieuses du dieu-diable et démoli huit cent cinquante de leurs couvents, alors, pour ta récompense, je te rendrai aveugle et je te rappellerai à moi.

D’après la légende qui a cours parmi les initiés de la San-ha-hoeï, Zi-ka aurait exécuté fidèlement ce programme en Europe ; et, après quatre fois onze années de cette deuxième existence humaine, après avoir accompli les massacres et les destructions fixés, il fut frappé de cécité et mourut bientôt ; cette fois, pour ne plus se réincarner ; et il rentra en grâce auprès du dieu Tcheun-Young.

Voilà donc la légende. Je la donne pour ce qu’elle peut valoir. Il était, en tout cas, utile de la publier, puisque j’ai à parler de Shang-Haï, qui est le lieu d’origine de la San-ho-hoeï.

Et, maintenant que le lecteur connaît le fond de la doctrine du luciférianisme chinois, je vais l’introduire avec moi dans une réunion de la secte, à Shang-Haï même, ou, pour mieux dire, en plein Tong-Ka-Dou.




CHAPITRE XIII

Comment on pénètre dans la San-ho-hoeï.


Pour bien comprendre ce qu’il me reste à dire sur les faits se rapportant à la Chine, il ne faut pas perdre de vue ceci : dès que l’on met le pied en Asie, la vie ne compte plus, absolument plus. Il y a, chez tous les peu-