Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/318

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En outre, avec quelle rapidité étonnante j’ai pu arriver à l’antre même du Maudit !… Chaque fois que j’y songe, je demeure confondu.

Voici Pessina, d’abord, qui me délivre mon premier passe-port ; là, en réalité, l’événement a été des plus simples ; avec cinq cents francs, n’importe qui peut en obtenir autant ; il suffit d’être pris pour un zélé cabaliste et de ne pas marchander les métaux ; c’est une question de tarif. Mais la suite de mon aventure est surprenante. Qui dit hasard dit sottise ; on ne peut concevoir rien de plus absurde que le hasard. Et il faut reconnaître, au contraire, que le hasard serait d’une intelligence hors ligne, m’ayant fait pénétrer du premier coup chez les Fakirs lucifériens de Ceylan, à raison de la nécessité où ils se trouvaient, d’après leur rite, d’avoir recours à un médecin, et à un médecin qui fût en même temps membre d’une société secrète anti-chrétienne.

Le sâta de Galle, reconnaissant, me donne un lingam ailé, pour que je puisse pénétrer dans tous les temples secrets du Fakirisme indien. Tout se lie, dès lors ; mon enquête marche comme au moyen d’un engrenage. Le temple Mac-Benac, en dehors de Pondichéry, sur le territoire anglais, m’est ouvert, grâce à la rencontre inattendue d’un adepte, qui se prend d’un grand enthousiasme pour moi, et aussi par l’effet du lingam du sâta cynghalais ; la, je fais la connaissance de John Campbell, le chef des maçons du district de Bahour ; et je prends, sans me compromettre, l’habitude du feu. Je puis parler alors en homme qui a vu. Hobbs et Cresponi, à Calcutta, me font un excellent accueil, comme à un frère qui sait déjà bien des choses ; je réussis même à me conquérir Walder, et me voilà affilié au Palladium. N’oublions pas que, si Walder et Cresponi viennent à Calcutta, où je dois me lier avec eux, c’est qu’ils y sont envoyés par le diable, et moi, c’est pour pouvoir combattre Satan que je viens ; n’est-il pas clair comme le jour qu’en tout ceci Satan n’a su mettre que les mauvaises cartes dans son jeu ?… Comme il ment à ses adeptes, Lucifer, lorsqu’il leur affirme qu’il est l’égal de Dieu !… Que suis-je, moi ? Un atome imperceptible, et me voici lancé dans les jambes du colosse infernal pour le culbuter. Il ne peut donc que ce que Dieu veut bien tolérer, dans la mystérieuse sagesse de ses desseins impénétrables ; il ne peut rien par lui-même, Satan, puisqu’il n’a pas su seulement flairer en moi l’ennemi !…

Singapore et Shang-Haï me donnent la trempe suprême. Quand on a traversé, en catholique croyant et résolu, la San-ho-hoeï, on peut désormais tout affronter.

Or, ainsi que je viens de le dire, le moment est venu, à présent, d’abandonner l’ordre chronologique. Je n’ai pas seulement à présenter au public les résultats d’une enquête complète. J’ai tenu à démontrer,