Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/332

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membre de diverses assemblées délibérantes, tant de la ville que de l’état, il est chargé de réviser les statuts de l’Arkansas.

Maintenant, il est déjà riche ; il vend la propriété de son journal (1836). Sa renommée traverse l’Atlantique, mais est désormais solidement établie aux États-Unis. Le Blackwood’s Magazine sollicite et obtient sa collaboration (1839). Les journaux de Philadelphie, de Boston, de New-York, se disputent ses vers.

C’est à cette époque qu’il fit paraître son poème Ariel, aujourd’hui introuvable, et que Sopbie Walder sait par cœur ; il l’écrivit, m’a-t-elle raconté, au milieu des savanes où il aimait à se perdre, pendant que son cheval paissait à ses côtés. Il composa aussi, dans ce temps-là, un roman indien, dont Sophia possède le manuscrit original ; ce roman décrit les mœurs des Peaux-Rouges (Comanches), des Navajos, et la vie mexicaine, à l’époque primitive des incursions espagnoles ; la grande-maîtresse palladiste se propose d’en publier une traduction française. Elle assure que c’est très beau ; mais j’avoue humblement que le peu qu’elle m’en a fait lire ne m’a guère intéressé. De son Ariel je n’ai pas besoin de dire que c’est un poème absolument satanique ; personne n’ignore qu’Ariel est le nom d’un des démons les plus en faveur auprès des cabalistes ; comme on le voit par la, Albert Pike était un luciférien précoce, et le mauvais ange, dont les Moabites firent une de leurs principales idoles, apparaissait à ses yeux comme un génie bienfaisant, auquel un culte était dû.

Quand je viens de dire : « apparaissait à ses yeux », je ne me suis pas servi de cette expression à la légère. Ariel est, en effet, le premier démon qui se soit manifesté à Albert Pike, s’il faut en croire son Livre des révélations, ouvrage des plus étranges, qui n’a jamais été imprimé, et dont le manuscrit, coté et paraphé à chaque page par une signature de diable, est conservé précieusement aux archives centrales du Rite Palladique, à Charleston. De cette Bible Satanique il n’existe qu’une vingtaine de copies complètes, aux mains seules des plus hauts initiés.

C’est en 1836 que l’Arkansas fut admis dans la confédération des États-Unis ; il va sans dire qu’Albert Pike fut un des négociateurs de cette importante annexion. Il était alors un personnage politique considérable, bien qu’il n’eût encore que vingt-sept ans. De 1840 à 1845, il exerça les hautes fonctions de rapporteur de la Cour Suprême de l’Arkansas ; tous ses rapports ont été publiés par ses soins.

Sur ces entrefaites, survinrent des événements, dont Pike sut profiter pour se mettre de plus en plus en évidence.

Le Texas, qui jusqu’en 1835 avait été une province du Mexique, s’était, en cette année-là, révolté contre le gouvernement de cette république ; sous la conduite du général Houston, les troupes provinciales du Texas