Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/436

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L’œuvre a été colossale ; si formidable, que la mort de Pike (2 avril 1891) rappelle d’une certaine façon celle d’Alexandre. Lorsque le conquérant macédonien fut emporté dans la tombe, il ne se trouva personne, parmi ses généraux, pour le remplacer ; les généraux se partagèrent l’empire. De même, le trépas de Pike a montré l’insuffisance de ses lieutenants, réduits à se diviser son infernale besogne en trois parts distinctes. Il est vrai que Satan veille et les inspire ; le Maudit est toujours à la tête de l’œuvre.

De son vivant, Albert Pike eut, en Amérique, deux adversaires personnels, qui le combattirent vigoureusement. L’un, le général Phelps, n’appartient pas à la franc-maçonnerie ; l’autre, le docteur Gorges, détestait le chef de Charleston par suite d’une rivalité de boutique.

Le général Phelps est un de ces rares protestants que l’esprit de secte n’aveugle pas et à qui il ne reste qu’un pas à faire pour venir à la vérité, c’est-à-dire à la religion catholique. C’est un homme au cœur loyal, qui est, comme beaucoup, à mille lieues de soupçonner le fond diabolique de la haute maçonnerie, qui en ignore les rouages, mais qui considère comme nuisible à sa patrie l’action politique secrète des loges, et qui, se plaçant sur le terrain politique pour la combattre, a maintes fois attaqué la ténébreuse association et le personnage qui la dirigeait alors, le tenant d’instinct pour un être particulièrement néfaste.

Le général Phelps est un des fondateurs et des membres les plus actifs du Parti National (the National Party), association libérale nettement hostile aux loges.

Il y a bientôt dix ans, le 19 décembre 1883, le Parti National eut un congrès à Washington, et voici en quels termes le général Phelps développa les raisons pour lesquelles la franc-maçonnerie doit être antipathique à la démocratie américaine :

« Le contrôle que les loges exercent sur le vote populaire, dit-il, et l’éducation qu’elles répandent dans le peuple ne sont en accord ni avec la constitution des États-Unis, ni avec la religion sur laquelle la constitution est fondée. Ce secret contrôle est, en réalité, le gouvernement du pays. Il dispose des emplois publics et dirige les destinées nationales. Mais il manque du premier élément d’un gouvernement républicain, à savoir la responsabilité des gens en place. Quand le pouvoir gouvernant opère dans le secret et le mystère, il ne peut pas y avoir de vraie responsabilité. La loge est une oligarchie du plus mauvais caractère : elle fait arriver au pouvoir les pires individus choisis dans un cercle restreint de dépravation politique…

« Derrière les partis règne l’organisation secrète des loges, qui n’est qu’un sarcasme impie jeté sur la dignité de la nature humaine, un pou-