Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à une réunion quasi-présidée par elle, d’une fée bizarre échappée de l’enfer.

Je l’ai étudiée de près et longtemps, la Sophia-Sapho (c’est son nom d’occultisme) ; mais j’avoue qu’elle est restée pour moi à l’état de problème. Le cas de Lucile, le sujet bien connu du magnétiseur Donato, est des plus facilement explicables ; tout médecin s’en rend compte aisément. Sophie Walder est incompréhensible : ou elle est la plus incomparable artiste en supercherie qui soit au monde ; ou bien il y a en elle quelque chose qui sort de l’ordre naturel.

C’est à elle, sans aucun doute, que le Palladisme doit sa rapide extension en France, Suisse, et Belgique. Les occultistes parisiens surtout ne savaient plus à quel diable se vouer, quand ils perdirent leur dernier chef, l’ex-abbé Constant, prêtre apostat. L’horrible Walder accourut de Charleston, avec sa fille ; il réunit quelques lucifériens, dont Albert Pike lui avait donné les adresses ; au bout de trois ou quatre séances, le recrutement prit des proportions inouïes ; on se répétait, des uns aux autres, les merveilleux prestiges de Sophia-Sapho.

Walder, son père, ou tout autre hiérarque magnétiseur, l’endort. On lui passe un fer rouge sur les lèvres ; la chair ne brûle pas ; Sophie ne se réveille pas, non plus. Mais, alors, comme elle porte un énorme collier en or rouge qui figure un serpent enroulé (c’est son ornement habituel en réunion théurgiste), on le lui enlève, et l’on apporte, dans un panier en osier, un serpent vivant. Le reptile sort du panier, se dirige vers le fauteuil où Sophie est étendue, endormie, monte lentement sur elle, et vient prendre la place du collier ; puis, après quelques sifflements, le reptile, allongeant la tête, ouvre sa gueule et la pose sur les lèvres de Sophie, comme lui donnant un baiser. C’est a ce moment qu’elle se réveille ou paraît se réveiller. Les paupières s’entr’ouvrent démesurément ; les yeux, hagards, semblent sortir de leur orbite. La bouche écume. Un accès de frénésie épouvantable la tord dans des convulsions folles. Ses cheveux se hérissent sur sa tête. D’une voix rauque, elle vomit des imprécations, des blasphèmes.

L’accès dure de huit à dix minutes. Elle est alors debout. L’accès terminé, elle demeure immobile, droite comme un I, rigide, les bras étendus en avant. On lui place sur les bras des poids considérables ; les bras les supportent sans plier, et le corps ne penche point. Après quoi, le serpent siffle de nouveau, baise encore Sophie sur les lèvres ; elle laisse retomber les bras, le long du corps. Le hiérarque magnétiseur dégrafe son corsage et la met nue jusqu’à la ceinture. L’heure de la divination satanique est venue.

Avec une baguette en fer, non piquante à la pointe, le hiérarque fait le