Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/459

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péninsulaire et aussi la caisse du banquier israélite de la via Nazionale.

Il y a là un échange de bons procédés. La maçonnerie italienne ne tient nullement, pour le quart d’heure, à renverser une monarchie qu’elle a conduite au Quirinal et qui la sert beaucoup mieux qu’une révolution brusque ; car le plan de campagne de la secte a toujours été l’envahissement graduel. Par conséquent, le Grand Orient et Suprême Conseil de Rome contient les républicains impatients. En reconnaissance de cette tolérance protectrice, le descendant d’Amédée l’antipape accorde à Lemmi tout ce qu’il désire ; le Sénat est peuplé de chefs francs-maçons ; les administrations civiles, la magistrature, l’armée même, sont mises à la disposition de la secte, qui en use et glisse partout ses créatures : l’état italien est infesté de maçonnerie. D’autre part, le Grand Orient et Suprême Conseil de Rome est en Italie le foyer de la propagande en faveur de la Triple-Alliance, et sur ce point encore maçonnerie et monarchie usurpatrice sont d’accord.

En Italie, il y a deux éléments (mais ce sont les seuls) partisans de la France ; et ce qui est curieux, ce sont les deux partis extrêmes. Les vrais catholiques, ceux fermement attachés au Saint-Siège, aiment cordialement la France, en qui ils voient malgré tout la fille aînée de l’Église ; ils espèrent en notre pays, dont ils souhaitent le relèvement ; ils applaudissent à toutes les victoires de la religion, chez nous plus encore que partout ailleurs. Tout à l’opposé, ce sont les socialistes révolutionnaires, les égarés turbulents et sauvages, qui s’entêtent à ne voir dans l’histoire de France que l’époque de Marat et le règne éphémère de la Commune ; ceux-ci rêvent de Spartacus et des Gracques ; le partage, le communisme collectiviste, voilà leur utopie, et, antibourgeois plus qu’anticléricaux, ils sont convaincus que la France donnera au monde, ou tout au moins à l’Europe, le triomphe général du prolétariat, supprimant toutes les autres classes ; dans l’Allemagne alliée, ils ne voient que le militarisme qu’ils exècrent ; aussi, très sincèrement, mais à leur point de vue spécial, sont-ils adversaires résolus de la Triplice et partisans enthousiastes de la France, c’est-à-dire de la révolution française.

Ce que j’écris là étonnera, sans doute, grand nombre de mes lecteurs. C’est pourtant l’exacte vérité. Mais qui pourrait se douter de cette situation des esprits en Italie ? Les catholiques français qui vont dans la péninsule ne fréquentent que les catholiques italiens ; ils ne vont pas se perdre dans les bouges de la révolution sociale, cela se conçoit. De même, les Amilcare Cipriani et autres socialistes exaltés, quand ils se rendent en France, ne font pas visite aux évêchés et ne cherchent nullement à se convertir ; c’est dans les pires clubs collectivistes et anarchistes qu’ils ont affaire. Moi, au contraire, poursuivant mon enquête en chré-