Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/502

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et fleurs à offrir, guirlandes d’ornement de la pièce où l’on opère, robe à revêtir, pierreries à porter sur soi, parfums à faire brûler, sans compter les préparations souvent fort longues et fort ennuyeuses auxquelles il faut se soumettre. Dans les triangles, c’est-à-dire en une réunion relativement nombreuse d’initiés opérant dans un temple aimé et béni du diable, les « vertus » de la majorité présente font pardonner une faute isolée, et les démons évoqués se bornent à ne pas apparaître en cas d’omission d’une des formalités. Mais, hors triangle, toute omission devient dangereuse. Les rituels de magie sont unanimes à le déclarer : « une seule négligence, l’oubli d’un mot dans une formule, le moindre doute, fût-il d’un quart de seconde, suffisent pour frapper toute l’opération d’impuissance et retourner contre l’opérateur toutes les forces dépensées en vain. » Cette dernière phrase signifie, à mots couverts, que le démon mécontent, traitant ses fidèles en vrais esclaves, inflige à l’évocateur négligent une correction de nature à le laisser plusieurs jours malade. On m’a cité le cas d’un Hiérarque d’Alexandrie, qui, évoquant Ariel chez lui, avait jeté, dans la cassolette où brûlent les parfums, de l’ambre jaune au lieu d’ambre gris : Ariel partit, tenant à la main un nerf de bœuf, avec lequel il battit à tour de bras le maladroit évocateur, jusqu’à ce que celui-ci, étendu par terre, fût sans connaissance ; il en eût pour plus de deux mois à rester au lit.

Les grands pentagrammes sacrés ne se fabriquent qu’à Gibraltar. La consécration s’y fait par un Mage Élu, de la façon suivante : il prend l’ustensile magique de la main gauche, et de l’autre main il l’asperge avec de l’eau consacrée, dans laquelle il trempe l’index et le médius seuls ; puis, il sèche l’objet, en même temps que ses doigts, à la fumée d’une cassolette où brûlent ensemble de l’encens, de l’aloès, du soufre, de la myrrhe et du benjoin ; après quoi, il souffle sept fois sur le pentacle, en prononçant, dans cet ordre, les noms de Hermès, Ariel, Moloch, Astarté, Astaroth, Baal-Zéboub et Lucifer ; enfin, il dit trois fois en lui-même le nom humain de l’Ante-Christ, et il baise le pentagramme sur l’alpha et l’oméga. L’objet est désormais consacré.

Le nom humain de l’Ante-Christ est également dit trois fois en soi-même par chaque assistant ou assistante, au commencement de toute séance de grande évocation, sur un signal donné par le grand-maître et la grande-maîtresse. Aucun rituel n’indique ce nom, pas même en hiéroglyphes. Il est dit seulement ceci : « C’est le nom sous lequel l’Ante-Christ s’incarnera, au moment de la naissance de l’enfant mâle prédestiné ; c’est le nom par lequel il sera connu des hommes, en vertu des lois civiles établies ; c’est le nom humain qui sera la gloire de l’humanité. » Il faut donc absolument être initié, avoir fréquenté les triangles