Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/54

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Matraccia fut condamné à mort. En entendant la sentence, il dit au jury, d’un ton déclamatoire, que le feu du ciel le vengerait.

Enfin, il fut exécuté. On choisit, pour le supplice, une vaste place, située en l’endroit le plus élevé de la ville, et nommée la Plaine. Plus de trente mille personnes se pressèrent autour du lieu de l’exécution. La justice fit dresser un échafaud très haut. Matraccia fut conduit à l’expiation suprême dans une charrette ; il avait toujours son perroquet sur l’épaule.

Quand le bourreau le saisit, le perroquet ne le quitta pas. L’assassin eut la tête tranchée ; mais son compagnon ailé disparut en même temps. Les bonnes gens, impressionnées, dirent que le bourreau et ses aides le virent se fondre instantanément comme une bulle de savon qui crève ; mais c’est là sans doute une exagération ; l’oiseau maudit dut simplement s’envoler. Quoiqu’il en soit, aucun journal n’annonça plus tard qu’il avait été retrouvé, et pourtant toute la presse mentionna sa présence sur l’échafaud.

Ce qui est plus singulier, ce qui a été publiquement constaté, ce qui a été relaté authentiquement, c’est la brusque apparition d’une comète, le jour de l’exécution de Matraccia, que toute la ville, dès l’ouverture du procès, nomma : Matraccia, le fils du Diable. Cette comète brilla longtemps d’un vif éclat. On se demandait s’il n’y avait point là quelque présage de malheur, quelque menace diabolique contre les juges du carbonaro, incendiaire d’église, assassin de prêtre.

Il y eut au même moment un complot contre Mgr l’Évêque et M. le curé de Saint-Victor ; plusieurs personnages mal notés furent mis en état d’arrestation, puis relâchés faute de preuves suffisantes.

Tout cela produisit à Marseille une émotion qui dura deux mois entiers, au bout desquels le conseil municipal, pour consacrer l’acte nécessaire de la justice humaine qui avait supprimé l’infâme carbonaro sataniste, fit ériger une statue de l’archange saint Michel terrassant le dragon, à l’endroit même du supplice de Matraccia, et la Plaine prit le nom de place Saint-Michel, qu’elle a conservé depuis. La statue de l’archange a été enlevée quelques années plus tard.

Voilà, conclut l’abbé Laugier, ce que l’on sait de Matraccia ; mais n’est-il pas permis de dire qu’il y avait, de la part de ce monstre, autre chose que des crimes ordinaires, et faut-il considérer comme choses normales tout ce qui a en lieu à son propos ?

L’abbé m’explique encore que le diable, véritable « singe de Dieu », — c’est ainsi, du reste, que le qualifient tous les Pères de l’Église, — met une sorte d’amour-propre à répondre aux miracles du ciel par des prodiges qui n’en sont que la grotesque imitation.

Jésus-Christ, quarante jours après sa mort, s’éleva glorieusement au