Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/563

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Nous nous trouvions dans un long corridor, étroit, éclairé par deux becs de gaz seulement, d’aspect sale, au sol mal carrelé et qui suait la misère et l’humidité.

Le géant remarqua chez nous un mouvement de surprise. Il sourit en nous disant :

Hommei sic mis mir, (venez avec moi).

Nous le suivîmes. Au fond du corridor, une porte s’ouvrit, donnant sur une seconde cour que nous traversâmes pour nous trouver en face d’une arrière-maison, sorte de grand pavillon, solidement bâti en pierres de taille et contrastant singulièrement avec la pauvreté sordide des bâtisses qui l’environnaient. On eût dit un amphithéâtre de cours d’une faculté.

Sur le fronton de la porte d’entrée était sculptée l’inévitable Germania assise, que l’on rencontre en Allemagne à tous les coins de rue.

Nous ne nous trompions pas ; c’était bien dans un amphithéâtre que nous entrions, qui se trouvait ainsi situé, entre la Loge de Royal-Arche et l’Hotel Central, dissimulé, mais non caché ; et cette espèce de cirque servait alternativement aux maçons, aux spirites et aux sociétés ou vereins quelconques, gymnastiques, musicales, ou autres, qui pullulent à Berlin et dans l’Allemagne entière, — cela, bien entendu, lorsqu’aucune troupe de passage n’y jouait ou qu’elle n’était pas transformée alors en concert annexe de l’hôtel.

Le propriétaire louait ainsi sa salle et s’en faisait un revenu très fructueux.

En définitive, nous n’entrions pas là dans un antre souterrain ou secret de l’occultisme, mais dans un local connu, loué par une société connue aussi et qui s’affichait au grand jour.

La Germania spirite de Berlin jouit, en effet, parmi les sociétés congénères ou rivales, d’une légitime réputation ; et je ne sache guère que la Société des grandes études de l’Est, de Calcutta, et celle des Études asiatiques, de Yokohama, qui puissent rivaliser d’importance avec elle. « Zùn heiligergeint gchen wir, nous allons à l’Esprit-Saint », tel est son exergue dont elle orne la vignette de son papier à lettres officiel. On le voit, il est impossible de dire plus clairement ce que l’on veut et quel est le but ; car il faudrait être d’une stupidité hors ligne en spiritisme, pour ne pas comprendre ce qui s’entend par ces mots : « l’Esprit Saint ».

Des gens, très distingués d’ailleurs, et qui occupent une haute situation dans le monde officiel et la science luthérienne allemande, s’honorent de faire partie de la Germania. Toute l’École de médecine ou plutôt l’Université entière en est membre active ou correspondante. La Germania