Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/692

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Voyons, en effet, tout d’abord ce qu’elle nous enseigne à cet égard.

Il est de foi qu’il y a des anges bons et mauvais et qu’ils ont un grand pouvoir sur les choses humaines. Toute l’Écriture est pleine de leurs opérations en bien ou en mal. Depuis le commencement du monde, où, sous la forme d’un serpent, Satan perdit nos premiers parents et un chérubin fut placé à la porte du Paradis terrestre, pour en empêcher l’entrée, jusqu’à la fin des siècles, où le démon, déchaîné contre les hommes, leur causera les plus grands maux, et où Michel et les bons anges le combattront et remporteront sur lui une victoire complète, les anges se trouvent partout dans l’Écriture Sainte. Le livre de l’Apocalypse, en particulier, semble n’être que leur histoire.

L’intervention perpétuelle de Satan[1] dans les événements généraux et particuliers de ce monde imprime la marche ou la déviation à presque toutes les choses humaines. Dans l’ordre de la Providence, Satan est le feu dont se sert le Souverain Maître pour éprouver, purifier, consumer, détruire, renouveler, produire l’agitation au moyen de laquelle il mène lui-même le monde à ses destinées ; élément terrible, dont la nature est de détruire, mais dont une main habile sait modérer, diriger et utiliser la puissance. C’est sous ce rapport et dans ces limites que l’Évangile appelle Satan « le prince de ce monde ». Mais ce prince ennemi, dans l’exercice même de sa haine, est encore le serviteur de Dieu ; il ne peut se soustraire à une telle condition, malgré sa révolte.

L’Église est loin d’adopter ce que l’ignorance et la superstition imaginent et débitant sur les opérations du démon. Mais ce serait un excès et une erreur, qu’elle condamne par sa doctrine et sa pratique, de n’admettre dans les démons aucun pouvoir sur les choses naturelles, ou dans l’Église aucune autorité pour en imposer au démon, le chasser des corps et délivrer les hommes de sa malice. On sait que le Christ ordonna souvent au diable de quitter les malheureux dont il avait pris possession ; son commandement n’était jamais stérile : il parlait, et le diable disparaissait. Comme le Christ donna également mission à ses disciples de chasser le démon et déclara que cette puissance sur les mauvais esprits serait un signe auquel on reconnaîtrait ses vrais disciples, l’Église a, de tout temps, fait usage du pouvoir qu’elle a reçu à cet égard, par les exorcismes, et a confié ce soin à une classe spéciale de ministres des derniers rangs, les exorcistes, comme pour renouveler la victoire du jeune David sur le géant Goliath.

L’Église n’exerce pas cependant sans motif son pouvoir par des conjurations solennelles. Il y a trois circonstances surtout qui donnent lieu

  1. Satan, ici, n’est pas un nom propre ; il désigne toute la milice infernale, la classe entière des esprits rebelles aussi bien que le chef de leur rébellion.