Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/695

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accepter sa soumission volontaire. Il est présent dans tout mal qui se fait : c’est là son royaume, le siège de sa puissance et de son action ; c’est là qu’il continue et développe l’œuvre criminelle qui l’occupe incessamment. Mais, outre cette présence du démon en tout ce qui est mal, il en est encore une autre plus intime qui a son principe dans la volonté même. Comme il habite naturellement dans le mal, il a pour tout ce qui est mal un amour de préférence ; il cherche à attirer à lui et à s’approprier ceux en qui il trouve des dispositions sympathiques aux siennes, en essayant de communiquer aux volontés créées la servitude sous laquelle il gémit lui-même. Les degrés auxquels l’esprit humain et l’esprit diabolique s’enlacent et s’impliquent dans cette alliance forment naturellement une longue échelle. Au premier degré, le principe mauvais qui se tient toujours près de l’homme, mais caché et invisible, se manifeste à sa vue par quelques phénomènes sensibles : l’âme est comme assiégée par le démon, les puissances sataniques harcelant l’âme de tous côtés, l’entravant dans ses actions les plus vulgaires comme dans ses opérations les plus pures, cherchant à s’emparer d’elle et à l’enlacer dans leurs filets. Mais ce n’est que l’obsession. Le mal, à ce degré, n’a pas encore pénétré dans la vie. Le démon ne possède pas, il obsède l’âme. Mais dès que le mal a trouvé on s’est préparé des dispositions favorables, il se produit d’une manière sensible, non plus à l’extérieur, mais dans le domaine de la vie. Vous voyez d’abord apparaître des effets qui ne peuvent avoir leur origine dans ce domaine : la nature seule ne suffit pas pour les expliquer, car le but vers lequel ils tendent est au-dessus d’elle ; ils ne peuvent, par conséquent, provenir que d’une nature morale plus élevée. Ce ne sont d’abord que les légers mouvements d’un être surnaturel, qui passe peu à peu d’une certaine familiarité à une malice déclarée. L’action satanique n’est plus seulement extérieure, mais infecte de son poison le principe de la vie : c’est ce qu’on appelle la possession. Non que le démon puisse absorber ou détruire la personnalité de l’homme et lui substituer la sienne propre, puisque Dieu lui-même s’est refusé ce pouvoir ; non encore qu’il puisse violer le sanctuaire de la liberté humaine et contraindre la volonté à faire des choses qu’elle ne veut pas : son pouvoir, quelque étendu et quelque incompréhensible qu’il soit, ne va pas jusque-là.

Mais Dieu, pour des motifs que nous ne pouvons pas pénétrer, livre quelquefois au démon cette portion de notre âme qui est comme le vestibule de la personnalité, c’est-à-dire ces facultés moins profondes qui tiennent de plus près aux sens et au monde extérieur et par lesquelles l’action de celui-ci pénètre incessamment en nous. Une vision de sainte Hildegarde peut nous donner une idée de la manière dont l’action du démon s’exerce sur l’homme dans la possession. Elle vit une possédée