Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/699

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fonds. » Saint Grégoire raconte, dans ses Dialogues, qu’en un monastère où l’on avait coutume de faire le signe de la croix sur tout ce qu’on mangeait, une religieuse ayant oublié de le faire avant de manger de la laitue cueillie au jardin, se trouva possédée, et Satan, interrogé par l’exorciste, répondit : « Quel tort lui ai-je fait ? j’étais sur la feuille de laitue ; elle ne m’en a pas chassé, je me trouve bien ici. »


Nous venons de voir rapidement comment l’Église admet et comprend l’obsession et la possession ; il nous faut maintenant montrer avec quelle prudence elle agit en ces cas.

Voici, tout d’abord, un extrait du Rituel des Exorcismes ; je traduis le texte même du livre sacré :

« Le prêtre, ou tout autre ministre légitime de l’Église qui est appelé à pratiquer l’exorcisme sur un possédé, sera aussi remarquable par sa piété, sa prudence, et l’intégrité de sa vie tout entière ; car il doit devoir, non à sa vertu propre, mais à celle dont Dieu l’arme, la fonction qu’il va remplir. Humble et charitable, il lui faut encore présenter toutes garanties d’âge mur ; il lui faut être vénérable, non seulement par le titre qu’il a, mais encore par l’austérité de ses mœurs.

« Par sa connaissance approfondie des textes sacrés et de tout ce qui touche à cette question des possédés, il sera mis en garde de lui-même contre les causes qui pourraient surprendre son jugement. Il ne doit pas, par exemple, croire très facilement que quelqu’un est obsédé ou possédé du démon, avant d’en avoir des preuves notables qui lui établissent le diagnostic différentiel entre le possédé et celui que les passions tristes ou une maladie quelconque travaillent.

« Les signes principaux, en effet, de l’action diabolique sont : Parler couramment une langue inconnue, ou bien comprendre quelqu’un qui la parle ; voir à distance et dévoiler des choses secrètes ; montrer des forces bien supérieures à celles que l’âge ou la condition permettent naturellement de déployer. D’autres signes enfin, moins nets et moins caractéristiques, aideront encore le prêtre à s’assurer de la réalité de l’intervention diabolique.

« Puis, en présence du possédé, l’exorciste devra, après l’un ou l’autre de ses exorcismes, interroger fréquemment le malheureux, lui demander ce qu’il ressent en son âme et dans son corps, pour découvrir quelles sont les choses qui agissent le plus pour tourmenter le diable, afin d’insister précisément sur elles et les répéter le plus fréquemment.

« L’exorciste se mettra en garde contre les tromperies et les subtilités habituelles aux diables, pour le prendre en défaut. Quelques uns ont, en effet, l’habitude de répondre tout de travers et de ne se manifester qu’a-