Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/873

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ne put continuer longuement (l’exorcisme), parce que toutes les autres possédées firent des cris et des diableries qu’on ne saurait exprimer ; et entre autres, la sœur Claire qui s’avança contre lui, lui reprochant son aveuglement et son opiniâtreté, se voulant jeter sur lui, si bien qu’en cette altercation, il quitta cette sœur Catherine, et adressa ses paroles à la sœur Claire, laquelle, pendant tout le temps que ledit Grandier parlait à elle, ne fit que faire l’enragée pour se jeter sur lui, et ledit Grandier ayant dit qu’il la voulait interroger en grec, étant une des marques requises pour justifier une possession que les diables entendaient toutes sortes d’idiomes, alors le diable, par la bouche de la supérieure, lui dit : « Ah ! que tu es fin, tu sais bien que c’est une des premières conditions du pacte fait entre toi et nous, de ne répondre point en grec. » À quoi il répondit : « O pulchra illusio, egregia evasio… » (Ô le beau subterfuge ! la belle échappatoire !) et lors lui fut dit qu’on lui permettait d’exorciser en grec, et de fait le diable, par la bouche de ladite sœur Claire, lui dit : « Parle en grec et en quelle langue tu voudras, je te répondrai. » Cela dit, il demeura fort étonné et demeura court ; et même ledit sieur de Laubardemont était disposé à écrire en grec. Mais tout cela n’eut point d’autre effet ; car le magicien ne dit plus mot, et les possédées persistèrent de l’accuser de magie et du maléfice qui les travaillait, s’offrant de lui rompre le col, si on leur voulait permettre, et faisant toutes sortes d’efforts pour l’outrager ; ce qui fut toujours empêché par les défenses de l’Église et par tous les religieux. Lui cependant demeura troublé et en grande émotion, regardant fixement faire toutes ces diableries, protestant de son innocence, priant Dieu d’en être le protecteur ; et s’adressant vers ledit sieur Évêque et le commissaire, leur dit : qu’il implorait l’autorité ecclésiastique et royale, dont ils étaient les ministres, pour commander à ces démons de lui rompre le col, du moins de lui faire une marque visible au front, au cas qu’il fût l’auteur du crime dont il était accusé, afin que la gloire de Dieu fût manifestée, l’autorité de l’Église exaltée, et lui confondu, pourvu toutefois que les filles ne lui touchassent des mains (pourvu que les possédées ne le touchassent pas avec les mains). Ce qu’on ne voulut point permettre, tant pour n’être point accusé du mal qu’il lui eût pu arriver, que pour n’exposer point l’autorité de l’Église aux ruses des démons. Mais les exorcistes ayant commandé le silence au diable et de cesser les désordres qu’il faisait, on fit alors apporter du feu dans un réchaud, dans lequel on jeta toutes ces pactes les unes après les autres ; et à même temps les démons commencèrent à faire le sabbat avec plus de violence et désordre qu’auparavant et cris sans pareils, et les contorsions de bras et de jambes, tirements de langue extraordinaires, et quelques-unes se tenaient sur le bout des pieds, sans avoir jamais perdu