Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/900

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dans la sainte Eucharistie avait lancé contre le démon les foudres de sa colère d’une manière épouvantable, et que le démon lui avait imprimé cette opération ; en sorte qu’il semblait que c’était elle que cet aimable Sauveur foudroyât. Ce fut comme une foudre surnaturelle qui l’abima et la dévora ; elle croyait que ce coup eût été capable de la faire mourir, si Dieu ne l’eût soutenue…

« La mère porta pendant un grand nombre d’années sur sa main gauche les noms de Jésus, Marie, Joseph, et François de Sales, afin que cette merveille persuadât entièrement le monde de la vérité de cette possession et de la soumission des démons pour l’Église. On crut que ces noms s’effaceraient huit ou dix jours après, comme la croix que Léviathan avait imprimée sur son front, qui enfin sécha et disparut. Mais ces noms furent renouvelés presque tous les quinze jours pendant vingt-cinq ans par le bon ange de la mère ; ce qui se faisait ordinairement pendant son oraison, la nuit, ou après la communion. Il lui apparaissait visiblement, et quelques religieuses l’ont vu quelquefois faire cette opération miraculeuse. Il y laissait une odeur si céleste, que jamais on n’a rien senti de si suave.

« Deux millions de personnes, tant de France que des royaumes étrangers, ont vu ces noms et senti cette odeur, la même que celle de l’onction de saint Joseph ; et dans le voyage que la mère fit à Paris, après son entière délivrance, le cardinal de Richelieu, les filles de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine, et plusieurs autres personnes de considération eurent la consolation de voir ces noms sacrés imprimés sur sa main.

« Enfin, cette bonne mère, après vingt-cinq ans, fatiguée de faire voir ces noms à tout le peuple qui venait exprès à Loudun, pria Notre-Seigneur de les effacer. Elle fut exaucée en 1662. »

Le père Surin raconte ensuite très longuement de quelle manière la mère prieure et lui accomplirent leur vœu au tombeau de saint François de Sales, les nombreux miracles opérés pendant le voyage d’Annecy et pendant le retour par l’onction de saint Joseph ; mais ces détails nous entraîneraient trop loin et ne rentrent qu’indirectement dans la question que je traite en ce chapitre.

Revenons aux possédées de Loudun. La possession dura encore jusqu’en 1638. Depuis le départ du père Surin et l’entière délivrance de la mère, ou continua d’exorciser jusqu’à la mort du père Tranquille, qui mourut à la fin de mai 1638. Cet infatigable exorciste tomba malade après avoir prêché le jour de la Pentecôte, et mourut huit jours après. Il souffrit comme un martyr pendant sa dernière maladie par l’obsession des démons.