Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/924

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mide, édentée, surmontée d’un nez crochu, noir et puant. Le sommet de la tête est glabre, d’une calvitie maladive spécifique, entrecoupée de plaques de couleur jambon fumé. Tout l’aspect est veule, triste, falot, minable, dans un accoutrement plus minable encore. Les yeux éteignent cette physionomie terreuse, au lieu de l’animer. Oh ! ces yeux ! deux fentes rouges à leurs bords, d’une muqueuse épaissie et sanieuse, derrière laquelle se montre ou plutôt se cache un œil strabique, d’une loucherie particulière, torte et recouverte d’un voile, d’une taie de la cornée caractéristique de la race. L’individu est enfermé dans un costume innommable : celui de l’ancêtre, qui sert au père et plus tard servira encore à l’enfant, quand celui-ci, le père mort, sera homme à son tour. Ce costume remonte ainsi à la plus haute antiquité. Un fez ou une manière de turban, un gilet pareil à celui de nos zouaves, un pantalon bouffant comme les leurs, et, par-dessus le tout, un manteau invraisemblable, fait de pièces et de morceaux ; cafetan, burnous ou paletot, il affecte toutes les formes. Tel est le costume du banaback. De linge, bien entendu, pas l’ombre ; la saleté et la crasse en tiennent lieu. Cette crasse est indélébile, en effet, disséminée et confluente, par places ou par plaques, formant une croûte au-dessous de laquelle suinte l’humeur ; dans cette saleté grouille un monde de vermine, cohabitant, non parasite, mais commensal du logis, que l’on ne tue pas, mais que l’on écarte parfois en le saisissant et le déposant sur le sol doucement, comme pour l’adresser au voisin dont il augmentera la famille verminière.

Autant le mâle de cette ménagerie pseudo-humaine est sec, parcheminé et maigre, autant la femelle est bien en chair. Un amoncellement de viande molle et blanche (avant la crasse, bien entendu) et encombré de graisse, voilà la femme ; le tout surchargé d’oripeaux, de cuivreries, bijoux et amulettes, dans un nuage de tulle ou d’étoffe légère, qui lui cache le visage, en ne laissant voir que les yeux. Cet écroulement gras reste immobile, tout le long du jour, assis sur les fesses, sans presque parler ni penser, apathique ; le sang, grâce à la graisse, est si loin de la fleur de peau, chez cette créature, que la vermine dédaigne de la mordre, passant sur elle seulement, légion la traversant comme le désert du dégoût huileux et rance, où il n’y a rien à manger que du lard infect et qu’il faut fuir sans s’y arrêter.

Mais, par une opposition des plus merveilleuses, la progéniture de ce couple, qui semble n’avoir de l’humanité que le nom, est un véritable enfant. Tandis que la main puissante de Dieu s’est appesantie sur cette race qui l’a renié et, comme on le verra plus loin, le renie encore, — les Jézides ou Juifs de Jérusalem, venus de Ninive, adorent ouvertement le diable, auquel ils rendent un culte non caché, sous le ciel ; — tandis