Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/94

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des cérémonies ouvrit cette porte. Elle donnait sur un infect réduit, humide, étroit, d’où s’exhalait une forte odeur de putréfaction. Un homme était étendu au fond de ce cachot.

Il se leva sur son séant.

Mac-Benac ! cria le grand-maître.

Ces mots se traduisent ainsi : « La chair quitte les os. » Ils forment, en outre, le nom officiel du temple de la putréfaction, en style d’arrière-loges.

Je fus épouvanté.

La figure de cet homme était rongée par les rats ; un œil pendait, sanieux, devant sa bouche édentée. Les jambes, envahies par la gangrène, rongées par les ulcères, n’étaient qu’une pourriture. Cette atrocité humaine avait l’air calme, heureux.

— Fakir trois fois sacré, lui dit le grand-maître en ourdou-zaban, c’est en vain que nous appelons Baal-Zéboub ; il ne vient pas. Prête-nous le secours de ta voix sainte !…

Alors, on vit une chose horrible. Le fakir interpellé ouvrit la bouche, dans laquelle son œil pendant entrait sans cesse, qu’il était obligé de rejeter pour pouvoir parler, et, comme dans un râle affreux, il clama :

— Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !…

À cette voix, répondirent, comme autant d’échos se répercutent le long de la salle, les fakirs murés et suspendus, criant aussi :

— Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !…

Cependant, l’esprit persistait à ne point apparaître.

Dès que le grand-maître avait eu décidé d’opérer par le grand rite, deux maîtres des cérémonies s’étaient retirés par l’escalier souterrain qui donnait accès dans le temple. L’un d’eux arrivait maintenant, portant un vaste réchaud, plein de charbons enflammés ; il était suivi d’une femme. Le brasier ardent fut placé au milieu de la salle, a quelque dis tance du trépied vide.

— Femme, fais ton œuvre, commanda le grand-maître.

Et celle-ci, le plus tranquillement du monde, une placidité sereine stéréotypée sur le visage, plongea sa main dans le brasier, la regardant brûler, ne sourcillant pas, respirant comme avec délices l’odeur de corne rôtie et la fumée âcre qui se dégageaient.

Puis, entra l’autre maître des cérémonies traînant un bouc blanc jusque devant le Baphomet. Autour de l’animal, on alluma quatre bougies noires renversées ; et, après l’avoir mutilé horriblement, on lui ouvrit le ventre ; le grand-maître y enfonça ses mains, en retira les intestins et les répandit sur les marches de l’autel, en proférant d’abominables blasphèmes contre Adonaï.